· Cité du Vatican ·

FEMMES EGLISE MONDE

L’Entretien
Sœur Micaela Monetti, nouvelle présidente de l'Usmi

Le vote au Synode
un vent nouveau

 Voto al Sinodo,  un vento nuovo  DCM-006
03 juin 2023

«Je suis contente que la Réforme du Pape François, un pas après l'autre, manifeste le visage de l'ecclésiologie de Vatican II»: c'est ce que souligne sœur Micaela Monetti, des Pies Disciples du Divin Maître, en commentant les récentes nouveautés décidées sur la composition des participants à l'Assemblée générale du Synode, au mois d'octobre prochain au Vatican. Parmi les personnes ayant le droit de voter est prévue une présence de 50% de femmes parmi les laïcs et de cinq religieuses parmi les Supérieurs générales de Congrégations. «J'ai eu un sursaut de joie. J'ai vu le visage d'une Eglise qui évangéliquement se révèle vraiment pour ce qu'elle est: une communauté réunie au nom du Père, du Fils et de l'Esprit Saint et pas seulement au nom des sacrements, des ministères, des questions de genres. On a accueilli l'instance qui était déjà apparue lors des synodes précédents — dit-elle — car reconnaître le droit de vote à la vie consacrée féminine et un nouveau pas qui reflète notre temps».

Sœur Micaela, 67 ans — élue le 14 avril dernier présidente de l'Union des Supérieures majeures d'Italie (usmi ) — exprime ses remerciements pour ce qu'elle considère la force prophétique du Pape. Elle accueille ce souffle de renouveau en étant convaincue qu'il apportera «un nouveau regard dans la vie de l'Eglise et de la société»: précisément ce dont elle ressent depuis toujours le besoin. A son avis, en effet, «l'Eglise italienne est encore un peu paralysée par le cléricalisme qui considère la religieuse en fonction des services ecclésiaux. Donner voix et place à l'expérience de la sensibilité féminine serait nécessaire, en le comprenant également comme une reconnaissance au niveau des décisions. Nous sommes valorisées quand il s'agit du soin des espaces et des personnes — précise-t-elle — mais quand vient le moment de décider, c'est le curé qui décide». Sœur Monetti est pleinement consciente qu'il ne s'agit pas de revendiquer le sacerdoce ministériel, mais plutôt d'être en mesure d'accomplir les services au mieux de ses capacités. Pour elle, tout ministère est un service. « Si le ministère qui m'est confié investit toutes mes énergies et mes capacités, pourquoi devrais-je penser à plus? ». Et elle raconte, par exemple, avoir eu la chance de rencontrer des femmes à la tête de communautés ecclésiales de base en Amazonie ou en Argentine où « il y a vraiment une diaconie ecclésiale qui s'exprime dans la figure d'un diaconat féminin, qui nous le savons est en train de mûrir. Cela devrait suffire».

Micaela Monetti arrive à ce nouveau poste après avoir été Conseillère générale jusqu'en 2017 pendant un double mandat. Elle est bien consciente des nombreux défis concernant une présence significative des femmes dans la vie consacrée, et à la tête de l'usmi elle veut apporter sa contribution «dans la simplicité et la fraternité», afin de s'engager également sur des chemins qui demandent du courage. L'image des semeuses d'espérance, utilisée par le Pape lors de sa rencontre avec les religieuses réunies en Assemblée générale au Vatican sur le thème «Sur le chemin synodal, femmes témoins du Seigneur ressuscité », lui plaît beaucoup «parce qu'elle nous donne le sens de la petitesse», dit-elle, «mais aussi la force de la générativité. Il ne s'agit pas de cueillir des fruits, car ici nous ne vendons pas de fruits, mais des semences». Elle raconte que le fait d'être supérieure l'a aidée à ouvrir son esprit, son cœur et son regard précisément sur la différence, sur des mondes culturels que nous ne connaissons peut-être qu'à travers le tourisme. Une approche qui affecte également l'utilisation non évidente du langage: «Parler d'autorité dans les pays démocratiques, par exemple, a un poids très différent par rapport à la même chose faite dans les contextes autrefois communistes».

C'est le modèle du polyèdre si cher à François qui l'intéresse, un modèle qui reflète la confluence de toutes les partialités tout en conservant leur originalité. Dans cette optique, Sœur Micaela –  qui possède à son actif une grande expérience d'engagement dans la pastorale des jeunes –  considère le Pacte éducatif mondial comme un domaine dans lequel il y a beaucoup à faire. Et elle confie une préoccupation personnelle qui concerne la recherche de chemins et de modalités pour affronter, sans préjugés ni rejets hâtifs, la question de l'identité de genre dans les écoles catholiques italiennes, ainsi que dans les structures d'orientation vocationnelles. En effet, «la question du genre me tient particulièrement à cœur», souligne sœur Micaela, « parce que les nouvelles générations, les jeunes qui s'interrogent sur une proposition vocationnelle, sont  orientés sur des chemins sans que l'on prête une attention particulière à une identité de genre consolidée, mais qui reçoit aujourd'hui tant de défis».

S'appuyant sur l'expérience quotidienne de tant de sœurs engagées dans un travail de formation intégrale, la nouvelle présidente parle d'une affectivité « due à une grande  confusion et instabilité ».

Elle ajoute: «Le monde est de plus en plus fluide. Il faut accepter l'invitation du Pape à écouter avant de juger et de cataloguer, et reconnaître que Dieu a une bonne parole et un bon regard, et qu'on ne peut pas fermer la porte a priori. Il faut être là, et être là de manière préparée». Micaela Monetti explique que dans les parcours de discernement vocationnel et de recherche, la plupart du temps on ne perçoit pas immédiatement l'orientation du jeune, la peur de la stigmatisation jouant également un rôle important. «Généralement, c'est dans la période du juniorat, dans la phase des vœux perpétuels, que surgissent de véritables surprises, même pour les formatrices: ce qui semblait certain jusqu'à avant-hier ne l'est plus. C'est un domaine qui nous interpelle avec des questions fortes et certainement désorientantes. Je n'ai pas les réponses, mais il est nécessaire d'habiter cette réalité et de chercher ensemble le projet de Dieu. Car, poursuit-elle, il y a différentes formes  de vie consacrée. Nous ne pouvons pas contourner cette réalité, nous avons besoin de proximité. Et nos adolescents doivent aussi trouver dans nos personnes consacrées des points de référence pour les aider dans les questions qu'ils se posent». A cet égard, Sœur Micaela se sent d'ailleurs en ligne avec Mère Yvonne Reungoat, dont elle reprend le flambeau: elle qui avec son charisme salésien a apporté une grande contribution à la pastorale des jeunes. «On ne peut être joyeuses, ouvertes comme le veut le Pape François, dit Sœur Micaela, que si l'on a une maturité affective».

Comment alors ne pas saisir l'opportunité que représente le monde des médias sociaux? Ce sont des domaines qui fascinent l'usmi, des ateliers de confrontation et de dialogue. Car «le chemin synodal, ce n'est pas seulement marcher ensemble, mais c'est une communauté qui trouve un chemin de discernement collectif en apprenant de meilleures méthodes de communication». Le grand défi sous-jacent, sur lequel tous se greffent, est en effet celui de l'interculturalité, qui n'est pas seulement l'accueil. Il s'agit de passer de Babel à la Pentecôte, de se comprendre: c'est de cela, conclut Sœur Micaela, que nos communautés ont besoin.

Antonella Palermo