· Cité du Vatican ·

L’espérance, le bonheur et le devoir de la politique

25 mai 2023

Le gris est l’opposé du vert. Pas seulement et pas tant parce que le gris est la couleur du ciment et de l’asphalte, tandis que le vert est la nature, l’herbe, les arbres... mais parce que le vert est la couleur de l’espérance tandis qu’une existence grise est celle marquée par la monotonie, la mélancolie, la résignation. Le vert a été la couleur avec laquelle le Pape François a «colorié» il y a quelques jours les Etats généraux de la natalité, d’où s’était élevé un cri pour la condition dans laquelle se trouve l’Italie en ce qui concerne la «question» des naissances. Si un fait devient une question, si des institutions naissent pour suivre un phénomène, cela veut dire que les choses ne vont pas bien et que l’on est déjà en retard. L’espérance est en effet le mot, qui lui est très cher, que le Pape a voulu «consigner» à tous les participants, car, a-t-il affirmé, «Le défi de la natalité est une question d’espérance».

Toute crise, politique, sociale, économique, est toujours et avant tout une crise spirituelle. C’est pourquoi, sans aucun doute, la politique pourra, devra, trouver les justes mesures pour tenter d’inverser la tendance et transformer l’actuel hivers en un printemps démographique, mais le nœud du problème est celui indiqué par le Pape, passer du gris au vert, transformer la tristesse et la solitude en solidarité et espérance. Une espérance, a averti le Pape, qui «n’est pas, comme on le pense souvent, optimisme, ce n’est pas un vague sentiment positif sur l’avenir. Ce n’est pas une illusion ou une émotion que tu sens, non; c’est une vertu concrète. C’est une attitude de vie. Et cela a à voir avec des choix concrets. L’espérance se nourrit de l’engagement pour le bien de la part de chacun, elle croît lorsque nous nous sentons impliqués et engagés à donner un sens à notre vie et à celle des autres».

L’espérance a à voir avec les autres et avec leur destin. Un peu comme le bonheur selon la belle définition de l’évêque américain Fulton Sheen: «Le bonheur ne s’obtient pas en s'efforçant obstinément de l’atteindre, mais il surprend ceux qui s’efforcent de rendre les autres heureux».

Le bonheur est l’autre mot, avec l’espérance, que le Pape a voulu consigner dans son discours en invitant la politique à être à la hauteur du désir contenu dans le cœur des personnes, un désir dont la «barre» ne doit jamais être abaissée «en se contentant de substituts privés et médiocres». Réduire l’horizon vital à une vie de «substituts» rend tristes, nous sépare de notre désir de bonheur et «quand nous sommes tristes, gris, nous nous défendons, nous nous refermons et nous percevons tout comme une menace. Voilà, la natalité, ainsi que l’accueil, qui ne doivent jamais être opposés, parce qu’ils sont les deux faces d’une même médaille, ils nous ré-vèlent combien il y a de bonheur dans la société. Une communauté heureuse développe naturellement les désirs de générer et d’intégrer, d’accueillir, tandis qu’une société malheureuse se réduit à une somme d’individus qui cherchent à défendre à tout prix ce qu’ils ont. Et souvent, ils oublient de sourire».

Les paroles du Pape présentent aux hommes politiques un tournant précis et les interpellent sur leur vision de la société: d’une part, une «somme d’individus», de l’autre, un peuple composé de personnes. Sans avoir recours à toute la tradition du personnalisme chrétien, la différence entre la personne, qui est un réseau de relations, et l’individu, qui est en revanche distinct, séparé, isolé, est toutefois claire. C’est là que réside la responsabilité des hommes politiques qui, par rapport au thème spécifique de la crise de la natalité, doivent toujours se rappeler la distinction qu’Alcide De Gasperi faisait entre l’homme politique et l’homme d’Etat, le premier occupé à penser aux prochaines élections, le deuxième aux générations futures.

Andrea Monda