S'il est bon «d'aider et de soutenir un désir légitime» d’engendrer un enfant en recourant «aux connaissances scientifiques les plus avancées et avec des technologies qui soignent et améliorent la fertilité», il n'est pas bon en revanche «de créer des embryons in vitro et ensuite de les supprimer, de faire du commerce avec les gamètes et de recourir à la pratique de la gestation pour autrui». C'est ce qu'a écrit le Pape François dans un message envoyé aux participants au congrès international woomb sur «La “révolution Billings” 70 ans après: de la connaissance de la fertilité à la médecine personnalisée», qui s'est ouvert le 28 avril à Rome pour deux jours d'études, à l'université catholique du Sacré-Cœur. Nous publions ci-dessous le texte du message.
Chers frères et sœurs!
J'ai été heureux de faire parvenir mes salutations aux organisateurs et à tous les participants au congrès international woomb sur «La “révolution Billings” 70 ans après: de la connaissance de la fertilité à la médecine personnalisée». Je salue cette initiative, qui attire l’attention sur la beauté et la valeur de la sexualité humaine.
Alors que dans la seconde moitié du siècle dernier se développait la recherche pharmacologique pour le contrôle de la fertilité et que se répandait la culture contraceptive, les époux John et Evelyn Billings développaient des recherches scientifiques approfondies et diffusaient une méthode simple, à la disposition des femmes et des couples, pour la connaissance naturelle de la fertilité elle-même, offrant un précieux outil pour la gestion responsable des choix procréatifs. Au cours de ces années, leur proposition semblait peu moderne et moins fiable que la prétendue immédiateté et sécurité des instruments pharmacologiques. En réalité, elle offrait et offre des provocations et des pistes de réflexion actuelles et fondamentales, à reprendre et à approfondir : par exemple l'éducation à la valeur de la corporalité, une vision intégrée et intégrale de la sexualité humaine, le soin de la fécondité de l'amour même quand il n'est pas fertile, la culture de l'accueil de la vie et le problème de l'effondrement démographique. De ces points de vue, ce que l'on a appelé la «révolution Billings» n'a pas épuisé son élan originel, mais continue d'être une ressource pour la compréhension de la sexualité humaine et pour la pleine valorisation de la dimension relationnelle et générative du couple.
Une éducation sérieuse en ce sens apparaît aujourd'hui nécessaire, dans un monde dominé par une vision relativiste et banale de la -sexualité humaine. Elle demande au contraire d'être considérée sous un regard anthropologique et éthique, où les questions doctrinales soient approfondies sans simplifications indues ni fermetures rigides. En particulier, il convient de toujours garder à l'esprit le lien indissociable entre le sens unitif et le sens procréatif de l'acte conjugal (cf. saint Paul vi , enc. Humanae vitae, n. 12). Le premier exprime le désir des époux d'être une seule chose, une seule vie; l'autre exprime la volonté commune de générer la vie, qui persiste même dans les périodes d'infertilité et dans l’âge avancé. Lorsque ces deux significations sont consciemment affirmées, naît et se renforce dans le cœur des époux la générosité de l'amour, qui les dispose à accueillir une nouvelle vie. Lorsque cela fait défaut, l'expérience de la sexualité s'appauvrit, se réduit aux sensations, qui deviennent bientôt autoréférentielles, et perd sa di-mension humaine et de responsabilité. La tragédie de la violence entre partenaires sexuels — je pense au fléau du féminicide — trouve ici une de ses causes principales.
En fait, on perd de vue le lien entre la sexualité et la vocation fondamentale de chaque personne au don de soi, qui trouve une réalisation particulière dans l'amour conjugal et familial. Cette vérité, bien qu'inscrite dans le cœur de l'être humain, pour s'exprimer pleinement, nécessite un parcours éducatif. Il s'agit d'une urgence qui interpelle l'Eglise et tous ceux qui ont à cœur le bien de la personne et de la société et qui attend des réponses concrètes, créatives et courageuses, comme il est souligné dans Amoris laetitia, à propos de l'éducation sexuelle: «Le langage du corps exige le patient apprentissage qui permet d'interpréter et d'éduquer ses désirs pour se donner vraiment. Quand on prétend tout donner d'un coup, il est possible qu'on ne donne rien. Comprendre les fragilités de l'âge ou ses confusions est une chose, encourager les adolescents à prolonger l'immaturité de leur façon d'aimer en est une autre. Mais qui parle de ça aujourd'hui? Qui est capable de prendre les jeunes au sérieux? Qui les aide à se préparer sérieusement à un amour grand et généreux?» (n. 284). Après la soi-disant révolution sexuelle qui a brisé des tabous, il faut une nouvelle révolution dans la mentalité: découvrir la beauté de la sexualité humaine en feuilletant le grand livre de la nature; apprendre à respecter la valeur du corps et de la génération de la vie, en vue d'authentiques expériences d'amour familial.
Une autre dimension de la sexualité, non moins riche en défis pour notre temps, est précisément sa relation avec la génération de la vie. En effet, la connaissance de la fertilité, si elle a une valeur éducative générale, a encore plus d'importance au moment où le couple décide de s'ouvrir à l'accueil des enfants. La méthode Billings, avec d'autres, est l'une des formes les plus appropriées pour réaliser de manière responsable le désir d'être parent. Aujourd'hui, la séparation idéologique et pratique de la relation sexuelle de son potentiel génératif a déterminé la recherche de formes alternatives pour avoir un enfant, qui ne passent plus par les rapports conjugaux, mais par l'utilisation de processus artificiels. Cependant, s'il est bon d'aider et de soutenir un désir légitime d’engendrer avec les connaissances scientifiques les plus avancées et avec des technologies qui soignent et améliorent la fertilité, il n'est pas bon en revanche de créer des embryons in vitro et ensuite de les supprimer, de commercer avec les gamètes et de recourir à la pratique de la gestation pour autrui. A la racine de la crise démographique actuelle, il y a, avec divers facteurs sociaux et culturels, un déséquilibre dans la vision de la sexualité, et ce n'est pas un hasard si la méthode Billings est une ressource aussi pour affronter naturellement les problèmes d'infertilité et pour aider les époux à devenir parents en identifiant les périodes les plus fertiles. Dans ce domaine, une meilleure connaissance des processus de la génération de la vie, en s'appuyant sur des acquis scientifiques modernes, pourrait aider de nombreux couples à faire des choix plus conscients et éthiquement plus respectueux de la personne et de sa valeur.
C'est une tâche que doivent assumer avec un engagement renouvelé les universités catholiques et, en particulier, les facultés de médecine et de chirurgie. Pour cela, comme il a été fondamental pour les époux Billings d'opérer à l'Ecole de médecine de l'université de Melbourne, il est donc important que le Centre d'études et de recherches pour la régulation naturelle de la fertilité, opérant depuis 1976 à l'université catholique du Sacré-Cœur, fasse partie d'un des plus prestigieux centres académiques italiens et puisse bénéficier des connaissances scientifiques les plus avancées pour accomplir sa mission de recherche et de formation.
Du reste, la perspective scientifique de ce congrès international montre qu'il est fondamental de prêter attention à la spécificité de chaque couple et de chaque personne, en particulier vis-à-vis de la femme. L'horizon de la médecine personnalisée nous rappelle justement que chaque personne est unique et irremplaçable et que, avant d'être l'objet de soins pour dysfonctionnements et maladies, elle doit être aidée afin d’exprimer au mieux ses potentialités, en vue de ce bien-être qui est surtout le fruit d'une harmonie de vie.
Favoriser la connaissance de la fertilité et des méthodes naturelles a enfin aussi une grande valeur pastorale, parce qu'elle aide les couples à être plus conscients de leur vocation conjugale et à témoigner des valeurs évangéliques de la sexualité humaine. La participation importante à ce congrès, qui rassemble à Rome (ou grâce à des liaisons vidéos) des personnes de nombreux pays et de tous les continents, en témoigne également. Les retours positifs qui ressortent de leurs expériences, parfois acquises dans des contextes sociaux et culturels très difficiles, confirment l'importance de travailler avec assiduité et élan dans ce domaine, y compris pour promouvoir la dignité de la femme et une culture d'accueil de la vie, valeurs par ailleurs partagées avec d'autres religions.
Il s'agit donc d'un aspect non secondaire de la pastorale familiale, comme l'ont enseigné mes prédécesseurs et comme je l'ai rappelé moi aussi dans Amoris laetitia: «En ce sens, l'encyclique Humanae vitae (cf. nn. 10-14) et l'exhortation apostolique Familiaris con-sortio (cf. n. 14 ; nn. 28-35) doivent être redécouvertes» (n. 222). Le recours aux méthodes fondées sur les rythmes naturels de fécondité doit être encouragé, en mettant en lumière qu'elles «respectent le corps des époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent l'éducation d'une liberté authentique» (Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 2370).
Chers collègues, je vous souhaite un travail fructueux et je vous remercie pour ce que vous faites. Poursuivez avec passion et générosité ce service précieux à la communauté ecclésiale et à tous ceux qui veulent cultiver les valeurs humaines de la sexualité. Nous devons toujours être conscients que, dans ce domaine de la vie, se reflète avec une splendeur particulière la bénédiction originelle de Dieu (cf. Gn 1, 26-30) et que, dans ce domaine aussi, nous sommes appelés à l'honorer, comme l'exhorte saint Paul: «Glorifiez donc Dieu dans votre corps!» (1 Co 6, 20). Je vous bénis de tout cœur et je vous demande de prier pour moi.
de Rome, Saint Jean-de-Latran, le 24 avril 2023
FRANÇOIS