· Cité du Vatican ·

Prophétie et prière

04 mai 2023

Andrea Monda

Dans le deuxième discours de son voyage apostolique en Hongrie, le Pape François a exhorté à l’accueil prophétique. Et même «ouvert à la prophétie», parce que, a-t-il expliqué en improvisant, «je n’aime pas utiliser l’adjectif “prophétique”, il est trop utilisé. Substantif: prophétie. Nous vivons une crise des substantifs et nous nous tournons si souvent vers les adjectifs. Non: prophétie. Esprit, attitude accueillante, ouverte et avec la prophétie dans le cœur».

Le Pape s’est adressé avant tout aux évêques, aux prêtres, aux diacres, aux consacrés, aux séminaristes et aux agents de la pastorale, mais son discours est aussi important que précieux pour tout le peuple fidèle de Dieu. Et il a également précisé ce qu’il entend par accueil ouvert à la prophétie: «Il s’agit d’apprendre à reconnaître les signes de la présence de Dieu dans la réalité, même là où elle n’apparaît pas explicitement marquée par l’esprit chrétien et vient à notre rencontre avec son caractère de défi ou d’interrogation. Et, en même temps, il s’agit de tout interpréter à la lumière de l’Evangile sans se faire mondaniser, mais comme annonceurs et témoins de la prophétie chrétienne».

Le Pape nous invite à nouveau à lire et relire la réalité qui nous entoure et, avec elle, notre vie. Dans ce devoir, essentiel pour saisir les signes de la présence de Dieu («chercher et trouver Dieu dans toutes choses», selon l’enseignement de saint Ignace de Loyola), il existe deux risques à éviter: la lecture catastrophiste et celle ingénue, la première malade de défaitisme, la deuxième contaminée par un conformisme qui «nous fait croire qu’au fond tout va bien, que le monde a changé et qu’il faut s’adapter — sans discernement; c’est mauvais. Voilà, contre le défaitisme catastrophiste et le conformisme mondain, l’Evangile nous donne un regard nouveau, la grâce du discernement pour entrer dans notre époque avec une attitude accueillante, mais aussi avec un esprit de prophétie». Grâce à cette attitude, «nous pouvons considérer les tempêtes qui parfois s’abattent sur notre monde, les changements rapides et continus de la société et même la crise de foi de l’Occident, d’un regard qui ne cède pas à la résignation et qui ne perd pas de vue la centralité de Pâques: le Christ ressuscité, centre de l’histoire, est l’avenir.

Notre vie, bien que marquée par la fragilité, est fermement placée entre ses mains». Cette certitude est la base sur laquelle construire la communion ecclésiale qui est le «premier travail pastoral», a poursuivi le Pape, en invitant les évêques, les prêtres et les religieux à vivre dans une dimension synodale, un objectif élevé mais possible si nous laissons place à la «charité fraternelle». Et il s’est ensuite exclamé: «Surmontons les divisions humaines pour travailler ensemble dans la vigne du Seigneur! Immergeons-nous dans l’esprit de l’Evangile, enracinons-nous dans la prière, en particulier dans l’adoration et dans l’écoute de la Parole de Dieu».

Une fois de plus, le Pape François a exprimé son rêve d’Eglise: «Cela c’est l’Eglise dont nous devons rêver: une Eglise capable d’écoute réciproque, de dialogue, d’attention aux plus faibles; une Eglise accueillante envers tous, une Eglise courageuse pour porter à chacun la prophétie de l’Evangile».

Telle est la description de ce qu’est et devrait être ce processus synodal que le Pape François a lancé et accompagne d’une main ferme et patiente. Le synode est donc, avant tout, prophétie. Mais il est également prière. Sans doute cela peut-il sembler étrange, mais certainement pas pour les catholiques, pour lesquels toute la vie est de fait une prière, cette force capable de transformer le monde selon l’expression de Kierkegaard pour lequel un moine en prière dans sa cellule est le levier qui soulève le monde.

Il y a quelques jours, en parlant aux journalistes lors de la rencontre sur les nouveautés dans la composition de l’assemblée du synode, le cardinal Mario Grech a demandé de ne pas «regarder les votes» parce que «le synode est un discernement, une prière».

En faisant mémoire du cardinal Mindszenty, le Pape a rappelé un dicton populaire: «S’il y aura un million de Hongrois en prière, je n’aurais pas peur de l’avenir». Et il a conclu en soulignant le point essentiel: «Soyez accueillants, soyez témoins de la prophétie de l’Evangile, mais surtout, soyez des femmes et des hommes de prière, parce que l’histoire et l’avenir dépendent de cela». (andrea monda)