«Ne laissons pas sans voix les femmes victimes d'abus, d'exploitation, de marginalisation et de pressions injustifiées... Faisons part de leur douleur et dénonçons avec force les injustices auxquelles elles sont soumises». Tel est l'appel lancé par le Souverain Pontife lors de l'audience aux membres de la fondation Centesimus Annus Pro Pontifice et de l'Alliance stratégique des universités catholiques de recherche (Strategic Alliance of Catholic Research Universities, Sacru ), reçus le 11 mars dans la salle Clémentine, à l'occasion de la présentation d'un volume sur le leadership des femmes.
Chers amis, bonjour et bienvenue!
Je remercie le professeur Tarantola et le recteur Anelli pour les paroles qu'ils m'ont adressées, et je vous salue tous, membres de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice et du réseau entre les universités catholiques sacru .
Nous nous rencontrons à l'occasion de la présentation du volume Plus de leadership féminin pour un monde meilleur. Prendre soin comme moteur pour notre maison commune. Il s’agit d’un sujet qui me tient à cœur: l’importance de prendre soin. C'était l'un des premiers messages que j'ai voulu donner à l'Eglise dès le début du pontificat, en rappelant le modèle de saint Jo-seph, tendre gardien du Sauveur (cf. Homélie lors de la Messe de début du ministère pétrinien, 13 mars 2013). Un gardien attentionné qui prend soin de lui.
Avant d’aborder brièvement certains aspects particuliers de l’ouvrage, je voudrais en souligner un plus général. Comme on l'a rappelé, en effet, il est le fruit d'une remarquable variété de contributions, recueillies et élaborées à travers la collaboration, jusqu'à présent inédite, entre certaines universités catholiques dispersées dans le monde et une Fondation vaticane entièrement laïque. Il s'agit d'un mode nouveau et significatif, dans lequel la richesse du contenu provient de l'apport d'expériences, de compétences, de modes de sentir et d'approches différentes et complémentaires. C'est un exemple de multidisciplinarité, de multiculturalité et de partage de sensibilités différentes: des valeurs importantes non seulement pour un livre, mais aussi pour un monde meilleur.
Dans cette perspective, je voudrais souligner trois aspects du fait de prendre soin des femmes en tant que contribution à une plus grande inclusivité, à un plus grand respect de l’autre pour affronter la gestion de nouveaux défis.
Tout d'abord, pour une plus grande inclusion. Le volume parle du problème des discriminations qui touchent souvent les femmes, comme d'autres groupes vulnérables de la société. J'ai rappelé à maintes reprises avec force que la diversité ne doit jamais déboucher sur l'inégalité, mais plutôt sur un accueil mutuel et reconnaissant. La vraie sagesse, avec ses mille facettes, s’apprend et se vit en marchant ensemble, et c'est seulement ainsi qu'elle devient génératrice de paix. Votre recherche est donc une invitation, grâce aux femmes et en faveur des femmes, à ne pas discriminer mais à intégrer tout le monde, en particulier les plus fragiles sur les plans économique, culturel, racial et sexiste. Personne ne doit être exclu. C'est un principe sacré. En effet, le projet de Dieu Créateur est un projet «essentiellement inclusif» — toujours —, qui met au centre même «les habitants des périphéries existentielles» (cf. Message à l’occasion de la 108e journée mondiale du migrant et du réfugié 2022, 9 mai 2022); c'est un projet qui, comme une mère, regarde les enfants comme les doigts différents de sa main: inclusif, toujours.
Deuxième apport: pour un plus grand respect de l’autre. Toute personne doit être respectée dans sa dignité et dans ses droits fondamentaux: éducation, travail, liberté d'expression, etc. C'est particulièrement vrai pour les femmes, qui sont plus susceptibles de subir des violences et des abus. Une fois, j'ai entendu un expert en histoire raconter comment sont nés les bijoux que portent les femmes — les femmes aiment porter des bijoux, mais maintenant les hommes aussi —. Il y avait une civilisation où il y avait l'habitude que le mari, quand il arrivait à la maison, ayant tant de femmes, si l'une ne lui plaisait pas, disait: «Vas-t’en!»; et celle-ci devait partir avec ce qu'elle portait, elle ne pouvait pas entrer et prendre ses affaires, non, «tu pars immédiatement». C'est pour cela — selon cette histoire — que les femmes ont commencé à porter de l'or sur elles. Là serait le début des bijoux. C'est une légende, peut-être, mais intéressante. Depuis longtemps, la femme est le premier déchet. C'est terrible. Toute personne doit être respectée dans ses droits.
Nous ne pouvons pas rester silencieux face à ce fléau de notre temps. La femme est utilisée. Oui, ici, dans une ville! Vous êtes moins payée: vous êtes une femme. Ensuite, attention si vous allez au travail enceinte, parce que s'ils vous voient enceinte, ils ne vous donnent pas de travail; en fait, s'ils vous voient au travail et que vous êtes au début de votre grossesse, ils vous renvoient chez vous. C'est l'une des méthodes que l'on utilise aujourd'hui dans les grandes villes: écarter les femmes, par exemple par la maternité. Il est important de voir cette réalité, c'est un fléau. Ne laissons pas sans voix les femmes victimes d'abus, d'exploitation, de marginalisation et de pressions injustifiées, comme celles que j'ai mentionnées dans le cadre du travail. Faisons part de leur douleur et dénonçons avec force les injustices auxquelles elles sont soumises, souvent dans des contextes qui les privent de toute possibilité de défense et de rachat. Mais donnons leur aussi de la place pour leurs actions, naturellement et puissamment sensibles et orientées vers la protection de la vie à chaque état, à chaque âge et à chaque condition.
Et nous arrivons au dernier point: relever de nouveaux défis. La créativité. La spécificité irremplaçable de la contribution féminine au bien commun est indéniable. Nous le voyons déjà dans l'Ecriture Sainte, où ce sont souvent les femmes qui déterminent des tournants importants à des moments décisifs de l'histoire du salut. Pensons à Sarah, à Rebecca, à -Judith, à Suzanne, à Ruth, pour culminer avec Marie et les femmes qui ont suivi Jésus jusque sous la croix, où — nous notons — parmi les hommes il ne restait plus que Jean, les autres étant tous partis. Les courageuses étaient là: les femmes. Dans l'histoire de l'Eglise, pensons à des figures comme Catherine de Sienne, Joséphine Bakhita, Edith Stein, Thérèse de Calcutta et même les femmes «de la porte à côté», qui héroïquement portent de l’avant des mariages difficiles, des enfants avec des problèmes... L'héroïcité des femmes. Au-delà des stéréotypes d'un certain style hagiographique, ce sont des personnes impressionnantes par leur détermination, leur courage, leur fidélité, leur capacité à souffrir et à transmettre joie, honnêteté, humilité, ténacité.
Quand je prenais le bus à Buenos Aires pour aller dans un secteur nord-ouest, où il y avait beaucoup de paroisses, ce bus passait toujours devant la prison et il y avait la queue de personnes qui ce jour-là allaient visiter les prisonniers: 90% étaient des femmes, des mères, les mères qui n'abandonnent jamais leur enfant! Les mères. Et cela est la force d'une femme: la force silencieuse, mais de tous les jours. Notre histoire est littéralement parsemée de femmes comme cela, que ce soit des femmes célèbres ou des femmes inconnues — mais pas à Dieu! — qui font avancer le chemin des familles, des sociétés et de l'Eglise; parfois avec des maris problématiques, vicieux... les enfants avancent... Nous le voyons ici aussi, au Vatican, où les femmes qui «travaillent dur», même dans des rôles de grande responsabilité, sont désormais nombreuses, grâce à Dieu. Par exemple, depuis que la vice-gouverneure est une femme, les choses fonc-tionnent mieux, ici, beaucoup mieux. Et dans d’autres lieux, où il y a des femmes, des secrétaires, le Conseil pour l'économie, par exemple, avec six cardinaux et six laïcs, tous des hommes. A présent, il a été renouvelé, il y a deux ans, et parmi les laïcs, il y a un homme et cinq femmes, et il a commencé à fonc-tionner, parce qu'elles ont une capacité différente: la possibilité d'agir et aussi la patience. Une fois un dirigeant du monde du travail, un ouvrier qui était arrivé à la tête du syndicat, à cette époque avec beaucoup d'autorité — il n'avait pas de père, seulement sa mère, ils étaient très pauvres, la mère était domestique et ils habitaient dans une petite maison, la chambre de la mère, et une petite salle à manger. Lui dormait dans cette salle et se soûlait souvent la nuit, il avait 22-23 ans — racontait que quand sa mère sortait le matin pour travailler, faire le ménage dans les maisons, elle s'arrêtait, elle le regardait: il était éveillé mais il faisait semblant de ne pas voir, d'être endormi et elle partait. «Et cette constance de ma mère, de me regarder sans me réprimander et me tolérer, m'a un jour changé le cœur, et je suis arrivé là où je suis arrivé». Seule une femme sait faire cela; son père l'aurait chassé. Nous devons voir comment les femmes agissent. C'est une chose formidable.
Nous sommes à une époque de changements historiques, qui exigent des réponses adéquates et convaincantes. Dans le contexte de l'apport de la femme dans ces processus, je voudrais mentionner l'un d'entre eux: le développement progressif et l'utilisation des intelligences artificielles et le problème délicat, qui y est lié, de l'émergence de nouvelles dynamiques de pouvoir imprévisibles. C'est un scénario pour nous en grande partie encore inconnu, où les prévisions ne peuvent être que conjecturales et approximatives. Eh bien, les femmes dans ce domaine ont beaucoup à dire. En effet, elles savent synthétiser de façon unique, dans leur façon d'agir, trois langages: celui de l'esprit, celui du cœur et celui des mains. Mais symphoniquement. La femme, quand elle est mûre, pense ce qu'elle entend et fait; elle sent ce qu'elle fait et pense; elle fait ce qu'elle entend et pense: c'est une harmonie. C'est le génie de la femme; et elle enseigne à le faire aux hommes, mais c'est la femme qui arrive en premier à cette harmonie de l'expression, aussi de la pensée avec les trois langages. C'est une synthèse propre à l'être humain et que la femme incarne de manière merveilleuse — je ne dis pas exclusive, merveilleuse et même primordiale — comme aucune machine ne pourrait réaliser, parce qu'elle sent battre en elle le cœur d'un enfant qu’elle porte en elle, elle ne s'effondre pas, elle est fatiguée et heureuse, à côté du lit de ses enfants, elle pleure de douleur et de joie en participant aux douleurs et aux joies des personnes qu'elle aime. Le mari travaille, dort et... va de l’avant. Et au lieu de cela, une femme le fait naturellement, elle le fait de manière unique, à cause de la capacité qu'elle a à prendre soin. C'est pourquoi, comme l'écrivaient les pères du Concile Vatican ii , nous pouvons dire qu' «à un moment où l'humanité connaît une [...] profonde transformation, les femmes [...] peuvent tant œuvrer pour l'aider à ne pas tomber» (cf. Message du Concile aux femmes, 8 décembre 1965).
Avec cette conviction, je voudrais alors conclure notre rencontre en faisant miennes les paroles de saint Jean-Paul ii dans Mulieris dignitatem: «L'Eglise [...] rend grâce pour toutes les femmes et pour chacune: pour les mères, les sœurs, les épouses; pour les femmes consacrées, [...] pour les femmes qui travaillent professionnellement, [...] pour toutes: [...] dans toute la beauté et la richesse de leur féminité» (cf. Saint Jean-Paul ii , Mulieris dignitatem, n. 31.)
Merci, chers amis! Félicitations pour cette importante recherche et bonne chance pour votre travail. Je vous bénis. Et je vous demande de prier pour moi. Merci.