* Lettre
Chères jeunes filles iraniennes, le courage que vous avez, je n'ai jamais eu à le manifester, donc je ne sais même pas si je le possède. Bien que je ne sois plus une adolescente, la vérité est que, n'ayant jamais été contrainte à me battre pour la liberté en risquant ma vie, je n'ai pas grand-chose à vous apprendre. Au contraire: c’est de vous que j'apprends.
En vous regardant descendre dans la rue, les cheveux libres, coupés, détachés, réclamant l'avenir que vous méritez et que toute femme mérite, vous m'avez montré par l'exemple, par votre présence physique sous le ciel sans fin et sous la menace des armes, que la liberté est la racine irremplaçable de la vie. Sans elle, nous ne sommes vivants qu'en apparence. Sans elle, nous suffoquons.
Je tiens à vous écrire mon admiration et à vous dire que votre cause est la nôtre : vous n'êtes pas seules. Même ici, dans ce coin privilégié du monde où je suis née et où j'ai grandi par pure chance, ici où – grâce aux femmes qui se sont battues avant nous – nous sommes toutes libres d'étudier, de nous habiller comme nous l'entendons, de travailler et d'épouser ceux que nous aimons, la réalité n'est pas aussi simple qu'il y paraît.
En Italie, presque chaque jour, une femme est tuée parce qu'elle a essayé de se rebeller contre un partenaire violent qui la considérait comme sa propriété. Chaque jour, les femmes sont victimes de préjugés et de discriminations, nous sommes constamment découragées de poursuivre notre indépendance, nos carrières, d'exercer notre bonheur pour le sacrifier à celui de nos enfants et de nos maris.
Nous sommes éduquées à faire plaisir à voir et à être désirées, beaucoup moins à cultiver des désirs propres, à parler haut et fort de notre propre voix, à désobéir et à prendre un vaste espace social en dehors du périmètre de nos maisons.
Partout dans le monde, à des degrés divers, les femmes sont pénalisées, marginalisées, réduites au silence, violées, tuées pour le simple fait d'être des femmes. Partout dans le monde, à des degrés divers, on nous refuse le droit à l'identité. On nous demande d'appartenir. De nous soumettre. D'obéir. Mais nous ne sommes pas des choses, nous sommes des personnes. Nos corps ne sont le terrain de conquête et de jugement de personne. Ils ne servent qu'à nous : à courir, à aimer, à crier, à aller, à apprendre. A construire nos vies à travers des choix libres.
Votre courage est un avertissement universel : l'appel le plus élevé vers l'avenir. Un avenir, après des millénaires, qui est enfin juste, qui ne nous considère pas seulement comme des filles, des mères ou des épouses, mais aussi, toujours et avant tout, comme l'expression de nos désirs, de nos rêves, de notre voix. Un avenir dans lequel nous serons amies, parce que la sororité est l’unique chemin pour renverser un monde qui nous offense et nous accule depuis la nuit des temps.
Votre combat est le combat de toutes – et de tous ceux qui se rendent compte que ce scandale ne peut pas continuer. Chevauchez l'élan de la jeunesse, la force de l'idéal sans lequel il n'y a pas de vie.
Soyez les protagonistes, à la première personne, d'une histoire inédite.
Avec vous naît une nouvelle humanité. Et je vous en suis reconnaissante.
Silvia Avallone