Courir pour se sauver ou courir pour protéger? Parmi les images de destruction qui nous arrivent ces jours-ci de la Turquie et de la Syrie, dévastées par le séisme du 6 février, on trouve aussi des instantanés qui racontent des gestes capables d’allumer une petite lumière dans l’obscurité dense de cette immense tragédie. C’est le cas d’un groupe d’infirmières de l’hôpital de la ville turque de Gaziantep qui — quand la terre a commencé à trembler — n’ont pas couru vers la sortie de l’édifice, mais sont allées dans la direction opposée. Celle de la thérapie intensive où se trouvaient des bébés prématurés. Les infirmières sont restées là, auprès des nouveau-nés, jusqu’à la fin du tremblement de terre, maintenant fermement les couveuses qui, en oscillant violemment, risquaient de se renverser, en emportant les petits. Sans doute n’aurions-nous rien su de cet acte extraordinaire de défense de la vie si l’épisode n’avait pas été filmé par des caméras de vidéosurveillance de l’hôpital. Ces infirmières ne savaient pas combien de temps allait durer le séisme, et encore moins sa puissance de destruction. Elles ne savaient pas si elles allaient se sauver en faisant ce choix. Mais ce dont elles étaient certaines était que si elles n’intervenaient pas, ces nouveau-nés risquaient de mourir. Et elles ont décidé de les protéger.
Tant de fois au cours de ces dix années de pontificat — et récemment au cours de son -voyage en Afrique — François nous l’a rappelé: les femmes donnent la vie. Les femmes protègent la vie. Les femmes sont les remparts de la paix, avant tout parce qu’elles savent (elles le savent de façon viscérale) que la guerre détruit la vie qu’elles ont engendrée. Ces infirmières ont témoigné précisément de cette force, douce et tenace, dont parle le Pape. Une force naturelle qui ne recherche pas le pouvoir, mais qui se manifeste comme don. Ces enfants sauvés au cours de cette tragique nuit n’étaient pas leurs enfants. Et pourtant, à présent, ils le sont devenus, d’une certaine façon, parce qu’ils sont «nés une -deuxième fois» grâce à leur courage et à leur amour. «Qui sauve une vie sauve le monde entier», lit-on dans le Talmud. Ces infirmières ont sauvé le monde entier.
Alessandro Gisotti