Invité à remettre le prix Jacques Hamel, institué après l’assassinat du prêtre le 26 juillet 2016 dans son église de Saint-Etienne du Rouvray alors qu’il célébrait la messe, le cardinal Pietro Parolin a salué le travail du journaliste Christophe Chaland, de l’hebdomadaire «Le Pèlerin», pour son reportage avec le père Pierluigi Maccalli sur ses deux ans passés retenu en otage par des djihadistes au Mali. La remise du prix s’est déroulée en présence de Roselyne Hamel, sœur du prêtre assassiné.
Peu avant, le cardinal Pietro Parolin était intervenu devant les plus de 200 représentants des médias d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie pour exposer l’activité de la diplomatie vaticane au service de la paix.
Dans son intervention, le secrétaire d’Etat du Saint-Siège a cité quatre Papes, particulièrement Jean xxiii, notamment son homélie du 12 novembre 1952 pour la messe d’ouverture des travaux de la session de l’Unesco, lorsque Giuseppe Roncalli était encore nonce apostolique en France. Sa réflexion portait sur les finalités de l’organisation et sur le sens de la présence d’un Représentant pontifical. «Notre présence, disait-il, se veut être quelque chose de sérieux, d’encourageant, qui incite à être cons-tructifs. […] Nous nous voyons vraiment introduits dans le flux de l’histoire: non pour le supporter, ni pour nous laisser emporter, mais pour le guider et le diriger vers le salut et non vers le naufrage du monde».
En parlant de «naufrage du monde», Giuseppe Roncalli évoquait les décennies écoulées, les erreurs et les horreurs de conflits multiformes aux conséquences dramatiques, honteuses et inhumaines.
Revenant à la période actuelle, le cardinal Parolin a évoqué la guerre en Ukraine: «Devant les images qui nous parviennent désormais quotidiennement, il y a le risque de l’accoutumance. Nous finissons presque par ne plus faire cas des nouvelles qui nous parviennent ou qui ne nous parviennent pas sur les centaines d’attaques meurtrières quotidiennes, sur la pluie de missiles destructeurs — les armes intelligentes n’existent pas — et sur tant de victimes civiles, sur les enfants restés sous les décombres, sur les soldats tués, sur les veuves et les orphelins, sur les personnes déplacées».
Le Pape François, dès le début de son pontificat, a-t-il rappelé, a donné des indications assez précises sur les moyens de construire la paix: l’éducation et le dialogue, «cela implique de s’engager à faire grandir les personnes à cette fin». Devant les membres de l’Assemblée générale des Nations unies en 2015, le Pape François, revenant sur l’éducation et le dialogue, avait ajouté que «sans la concrétisation immédiate de ces piliers du développement humain intégral, l’idéal de préserver les générations futures du fléau de la guerre et de favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande, court le risque de se transformer en un mirage inaccessible».
Le Saint-Siège œuvre sur la scène internationale, a expliqué le secrétaire d’Etat, «non pour garantir une paix quelconque, qui serait perçue uniquement comme l’absence de guerre, mais pour soutenir une idée de la paix comme le fruit de relations justes, du respect des normes internationales, de la protection des droits humains fondamentaux, à commencer par ceux des plus pauvres et des plus vulnérables».
En instituant la journée mondiale de la paix en 1967, Paul vi expliquait quant à lui que la proposition de dédier chaque premier janvier à la paix ne se voulait pas limitée à l’Eglise catholique, mais qu’elle devait emporter l’adhésion de tous les vrais amis de la paix. Paul vi se montra courageux, a souligné le cardial Parolin, en une période où des vents turbulents atomiques soufflaient sur le monde, et d’ajouter que «le désir d’agir quotidiennement pour le dialogue, la réconciliation et la paix continue aujourd’hui encore, dans un contexte pas tellement différent, à inspirer l’œuvre de l’Eglise dans le monde».
Pour François, a continué le chef de la diplomatie vaticane, le contexte actuel, et il l’a répété à plusieurs reprises, est celui «d’un troisième conflit mondial en cours, dans un monde globalisé, avec d’inimaginables scènes de cruauté et de destructions».
Le travail quotidien du Saint-Siège dans son inlassable recherche de paix, est de s’efforcer à créer des espaces de dialogue, de rencontre et d’entente entre les peuples et les nations.
La politique, la finance, l’économie, l’industrie de l’armement ne peuvent prospérer «en versant le sang ou en affamant des populations entières», a affirmé le cardinal Pietro Parolin. Les peuples demandent «la paix, et non la guerre; le pain, et non les armes; les soins, et non les agressions; la justice, et non l’exploitation économique; le respects des valeurs authentiques, et non la dictature de la pensée unique; la sincérité, et non l’hypocrisie; la transparence, et non la corruption; les énergies propres renouvelables pour le développement, et non les armes nucléaires qui menacent les possibilités d’un futur pour notre maison commune».
Une paix durable ne peut être obtenue par des moyens qui la contredisent, «la paix s’affirme seulement avec la paix» disait Paul vi. L’Eglise ne se limite pas à s’opposer à la guerre, mais agit en matière de prévention, et pour cela elle cherche à identifier les structures d’injustice qui sont parmi les causes principales de l’éclatement de la violence et des conflits.
Devant un auditoire qui lui prêtait une oreille attentive, le cardinal Parolin a enfin exposé les cinq lignes directrices de la diplomatie du Saint-Siège:
La réconciliation, qui nécessite le dialogue et la confrontation pour parvenir à une juste solution où tous puissent être également vainqueurs, parce que réconciliés.
La vérité, qui implique de ne pas falsifier les nouvelles et les informations pour avantager sa propre position. Le cardinal sur ce point a cité les propos de Benoit xvi: «dans les relations internationales, la recherche de la vérité réussit à faire apparaître les diversités jusque dans leurs plus subtiles nuances, et les exigences qui s’ensuivent, et pour cela même aussi les limites à respecter et à ne pas dépasser, pour la protection de tous les intérêts légitimes des parties».
La justice, qui est le respect de la dignité et des droits d’autrui; qui cons-titue la signification la plus profonde du lien et de la rencontre, parce qu’elle exige de procurer à tous les moyens nécessaires pour vivre et pour vivre d’une manière digne.
La solidarité, qui signifie ne laisser personne dans la rue. Et le cardinal Parolin de citer François sur une crise de solidarité dans nos sociétés, lequel soulignait la nécessité de s’engager pour «rechercher un développement humain intégral en faveur de tous les habitants de la planète», pour une «légitime redistribution des bénéfices économiques de la part de l’Etat», et en direction d’une «indispensable collaboration de l’activité économique privée et de la société civile».
Enfin, la liberté, qui est une aspiration à pouvoir être soi-même comme personne et comme peuple. François précisait sur ce point début janvier au corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège cette exigence «qu’il n’y ait pas d’atteintes à la liberté, à l’intégrité ou à la sécurité des nations étrangères […]. Cela est possible si, dans chaque communauté, la culture de l’abus et de l’agression, qui conduit à considérer le prochain comme un ennemi à combattre plutôt qu’un frère à accueillir et à embrasser, ne prévaut pas».
«Toute personne que nous rencontrons ne peut jamais assumer le visage de l’ennemi», a ajouté le cardinal secrétaire d’Etat, invitant à ne jamais oublier que dans l’enseignement de l’Eglise, la voie du dialogue et du respect de la liberté trouve son fondement dans l’intention même de Dieu.
Jean-Charles Putzolu