L’Eglise
Depuis le jour de Pentecôte 2022 a pris effet la réforme de la Curie romaine, auparavant réglementée par la Constitution Pastor Bonus de 1988. Les nouveautés sont significatives, bien que certaines transformations aient déjà eu lieu dans les faits au cours des années. La nouvelle organisation de la Curie devient plus compacte et linéaire, les matières auparavant divisées entre Congrégations et Conseils pontificaux sont à présents réunies sous des dicastères, dont certains présentent des dénominations inédites. Il serait toutefois réducteur de saisir le sens de la réforme uniquement en termes de fonctionnalité organisationnelle. Le titre même de la Constitution apostolique du Pape François fournit la clé d’interprétation et la direction qui est donnée au travail de la Curie romaine : Praedicate Evangelium. Tout cet ensemble d’organismes, qui constitue la plus haute expression de la dimension institutionnelle de l’Eglise universelle, trouve son sens et son objectif dans le service de l’Evangile. Ce n’est pas un hasard si le premier dicastère est celui de l’évangélisation, présidé directement par le Pape et divisé en deux sections : celles pour les questions fondamentales de l’évangélisation dans le monde et celle pour la première évangélisation et les nouvelles Eglises particulières. L’évangélisation consiste essentiellement à témoigner en paroles et en œuvres de la miséricorde que l’Eglise et chaque personne baptisée a reçue. Cela implique que l’Eglise tout entière est constamment engagée dans un processus de conversion missionnaire pour se laisser renouveler et façonner par la miséricorde de Dieu.
La mission est étroitement unie à la communion : l’objectif de la mission est précisément de faire participer chaque personne à la communion que Dieu a voulue avec l’humanité en entrant dans cette histoire et dans ce monde. Il faut surmonter certains schémas ecclésiologiques et pastoraux selon lesquels il faudra prendre soin d’abord de la communion ad intra, puis annoncer l’Evangile ad extra. Nous devrions abandonner ce schéma dualiste, parce qu’en réalité, nous pouvons réaliser une communion vitale uniquement si nous vivons comme « Eglise en sortie », en état de constante conversion missionnaire. Comme chaque fidèle, de même, chaque structure ecclésiale, y compris la Curie romaine, a besoin de se laisser évangéliser, et cette conversion est par sa nature missionnaire, comme celle vécue par les apôtres à la Pentecôte.
La communion vécue donne à l’Eglise le visage de la synodalité, de l’écoute réciproque et de l’accueil inclusif. La Curie romaine, vivant la même dynamique de communion et de mission que toute réalité ecclésiale, réalise la synodalité comme style, méthode et forme des relations ecclésiales. Pour cela, la Curie définie par la réforme du Pape François est un rapport organique non seulement avec le Pape, mais avec le collège des évêques et avec chaque évêque, et aussi avec les conférences épiscopales et leurs unions régionales et continentales, ainsi qu’avec les structures hiérarchiques orientales : c’est-à-dire qu’elle ne se situe pas entre le Pape et les évêques, mais se met au service de tous deux, ainsi que des structures intermédiaires de communion et de collégialité, car l’Eglise universelle est donnée par la communion des Eglises particulières.
L’évêque de Rome, en tant que garant et gardien de l’unité des Eglises, a le devoir immense de gouverner l’Eglise universelle ; la Curie romaine, selon une tradition très ancienne, existe précisément pour permettre aux Papes l’exercice de leur pouvoir primatial. De cela découle la nature de vicaire du pouvoir de la Curie, selon laquelle chaque institution de la Curie, et chaque personne qui y reçoit une charge ou une fonction, exerce le pouvoir non pas en personne, mais au nom du Pape. La réforme actuelle réalise de façon complète ce principe, étant donné qu’il est désormais clair que chaque baptisée et chaque baptisé peuvent être investis du pouvoir de gouvernement annexe à la fonction, sur la base de l’habilitation sacramentelle reçue dans le baptême et en raison de leur compétence spécifique en la matière. Il est ensuite expliqué, pour dissiper toute interprétation restrictive, que tout fidèle peut présider un dicastère ou un organisme. Ce sont les Papes, en procédant aux nominations, qui discerneront les critères de représentativité des personnes auxquelles confier les fonctions sur la base du genre, de l’appartenance linguistique, culturelle et rituelle, de l’état de vie et de la vocation personnelle. Au cours des dernières années, nous avons déjà assisté à une timide augmentation de la présence de laïcs et de laïques dans des rôles de direction ; à ce propos, certaines déclarations d’experts qui se sont hâtés de distinguer les matières adaptées aux laïcs et aux laïques des dicastères qui devraient continuer d’être guidés exclusivement par des religieux, non seulement ne trouve aucun fondement dans la Constitution Praedicate Evangelium, mais constituent un manque de respect pour le pouvoir plein, suprême, immédiat et universel du Pape, qui nomme qui il veut, sans autre lien que ceux dérivant du discernement des exigences de l’Evangile et de la communion.
La réforme sera réelle et possible si elle naîtra de la conversion intérieure à accueillir le modèle du bon Samaritain, qui sait dévier son chemin pour prendre soin de l’humanité blessée, visage du Christ.
Donata Horak
Théologienne, professeure de droit canonique au studium de théologie Alberoni de Piacenza