«Les importantes contributions que, inspirées par les croyances religieuses et les traditions spirituelles», il est possible d’offrir au Cambodge «dans son parcours de guérison sociale et de reconstruction économique, après les crises socio-politiques des dernières décennies», ont été soulignés par le Pape François dans le discours aux moines bouddhistes du pays asiatique, reçus en audience dans la matinée du jeudi 19 janvier, dans la Bibliothèque du palais apostolique. La délégation cambodgienne était accompagnée par le cardinal Miguel Angel Ayuso Guixot et Mgr Indunil J. Kodithuwakku K., préfet et secrétaire du dicastère pour le dialogue interreligieux. Nous publions ci-dessous le discours prononcé par le Pape:
Eminence,
chers frères, bonjour!
Je souhaite une chaleureuse bienvenue à votre délégation, chers amis bouddhistes, ainsi qu’aux représentants de la société civile cambodgienne. Je suis reconnaissant pour cette visite, qui vise à consolider votre amitié durable en tant que leaders religieux engagés à améliorer la coopération interreligieuse, un élément important de la société, qui permet aux personnes de vivre pacifiquement comme frères et sœurs, réconciliés entre eux et avec l’environnement dans lequel ils vivent.
A un moment où la famille humaine et notre planète sont confrontées à de graves menaces, vous avez choisi de façon opportune la «conversion écologique» comme thème de votre rencontre. C’est un signe positif de la sensibilité et de la préoccupation croissantes pour le bien-être de la Terre, notre maison commune, et pour les importantes contributions que, inspirées par les croyances religieuses et les traditions spirituelles, vous pouvez offrir à votre noble pays dans son parcours de guérison sociale et de reconstruction économique, après les crises socio-politiques des dernières décennies.
La pauvreté et le manque de respect pour la dignité des personnes marginalisées causent beaucoup de souffrance et de découragement à notre époque; il faut donc les combattre au moyen de processus concertés qui favorisent la prise de conscience de la fragilité radicale de nos contextes environnementaux. Il est urgent de rechercher, à travers le dialogue à tous les niveaux, des solutions intégrées fondées sur le respect de l’interdépendance fondamentale entre la famille humaine et la nature. C’est pourquoi, suivant le chemin tracé par mes prédécesseurs, j’ai continué à solliciter la sauvegarde de notre maison commune, une sauvegarde qui est aussi «vocation au respect: respect de la création, respect du prochain, respect de soi et respect à l’égard du Créateur» (Discours aux participants à la rencontre «Foi et science: vers cop 26», 4 octobre 2021). Mais cela ne peut se faire sans un changement du cœur, de la vision et des habitudes.
La conversion écologique a lieu lorsque l’on reconnaît les racines humaines de la crise environnementale actuelle; lorsque le véritable repentir conduit à ralentir ou à arrêter des tendances, des idéologies et des pratiques néfastes et irrespectueuses de la création et lorsque les personnes s’engagent à promouvoir des modèles de développement qui soignent les blessures infligées par l’avidité, la recherche excessive de profits financiers, le manque de solidarité avec les voisins et le non-respect de l’environnement. La conversion écologique vise à «transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde, et ainsi à reconnaître la contribution que chacun peut apporter» (Enc. Laudato si’, n. 19). Elle nous appelle à «changer de vitesse, changer nos mauvaises habitudes afin de pouvoir rêver, créer et agir ensemble pour un avenir juste et équitable» (Préface à Laudato si’ Reader, n. 13).
Le dialogue révèle la profonde richesse que nos traditions religieuses respectives offrent pour soutenir les efforts visant à développer la respon-sabilité écologique. En suivant les principes que le Bouddha a légués à ses disciples (Pratimoksa), y compris la pratique dite «metta», qui consiste à ne pas nuire aux êtres vivants (cf. Metta Sutta sn 1.8 ), et en vivant un style de vie simple, les bouddhistes peuvent acquérir une attitude de compassion envers tous les êtres, y compris la terre, leur habitat. De leur côté, les chrétiens assument leur respon-sabilité écologique quand, en tant que gardiens de confiance, ils protègent la création, l’œuvre que Dieu a confiée à l’homme pour qu’il la cultive et la garde (cf. Gn 2, 15 ; Laudato si’, n. 95 ; n. 217).
Je vous remercie à nouveau pour votre visite, très appréciée, et je souhaite que votre séjour à Rome soit agréable et enrichissant. Je suis également certain que la rencontre avec les officials du dicastère pour le dialogue interreligieux offrira l’occasion d’explorer d’autres façons de promouvoir la conversion écologique à travers les initiatives entreprises par le dialogue bouddhiste-chrétien tant au Cambodge que dans toute la région.
Sur vous et sur tous les habitants de votre noble pays, j’invoque d’abondantes bénédictions du Ciel.