· Cité du Vatican ·

Gentillesse joie et humilité

05 janvier 2023

Le 19 avril 2005 à 18h44, Joseph Ratzinger, qui avait eu 78 ans trois jours auparavant, était élu 265e Pape choisissant le nom de Benoît xvi .

Nous nous souvenons tous des mots brefs mais denses avec lesquels il s'est présenté depuis la Loggia des Bénédictions: «Chers frères et sœurs, après le grand Pape Jean-Paul ii , les cardinaux ont élu un ouvrier simple et humble dans la vigne du Seigneur. Je suis réconforté par le fait que le Seigneur sait travailler et agir même avec des instruments insuffisants, et surtout je compte sur vos prières. Dans la joie du Seigneur ressuscité, confiants dans son aide permanente, allons de l'avant, le Seigneur nous aidera et Marie, sa très sainte Mère, est à nos côtés. Merci.

Qualifiant de «grand» son prédécesseur, pour lequel il avait travaillé avec une générosité acharnée depuis 1981, date à laquelle il avait été nommé préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, il s'était automatiquement attribué le caractère de «petit», puis avait ajouté la simplicité, l'humilité, pour finalement se déclarer «instrument insuffisant». Un récit opposé à celui diffusé pendant des années par les médias qui l'avaient dépeint comme le panzer-cardinal, le préfet de fer, fermé aux complications abstraites de la théologie et donc finalement arrogant dans sa pose et son imposition comme gendarme de l'orthodoxie. Ceux qui ont eu la chance de connaître Joseph Ratzinger personnellement savent laquelle des deux versions est la plus proche de la vérité. Gentillesse, politesse, délicatesse, douceur, légèreté, humilité... telle est la «constellation» qui a éclairé la parabole humaine de Joseph-Benoît. Une humilité qui était également associée à une forme d'humour simple et à une ironie légère qui s'échappait parfois et frappait les observateurs les plus attentifs. Sans aucun doute, l'humour était pour lui une vertu très importante («La joie profonde du cœur est aussi le véritable présupposé de l'humour et donc l'humour, dans un certain sens, est un indice, un baromètre de la foi») surtout parce qu'il est lié à la joie, qui pour le Pape émérite est l'essence de la foi. Dans son essai de théologie dogmatique Le Dieu de Jésus Christ, il affirme que: «Une des règles fondamentales pour le discernement des esprits pourrait donc être la suivante: là où la joie fait défaut, là où l'humour meurt, il n'y a même pas l'Esprit Saint, l'Esprit de Jésus Christ. Et vice versa: la joie est un signe de grâce» et dans l'interview du livre de Peter Seewald Le sel de la terre, il réitère cela: «La foi donne de la joie. Si Dieu n'est pas là, le monde est une désolation, et tout devient ennuyeux, tout est totalement insuffisant. [...] L'élément constitutif du christianisme est la joie. La joie, non pas dans le sens d'une jouissance superficielle, dont le fond peut aussi être le désespoir». A un monde «contraint» au divertissement parce qu'il était profondément désespéré, Benoît xvi a répondu par la joie de l'Evangile, par l'annonce d'une nouveauté riche de lumière et de vie, capable de pénétrer même l'abîme le plus obscur.

C'est le thème de l'une de ses plus belles réflexions consacrées au triduum pascal et en particulier au Samedi Saint, un jour auquel il était très attaché puisque ce jour coïncidait avec le 16 avril 1927, date de sa naissance. Dans cette réflexion, intitulée La lumière qui nous vient des ténèbres, Joseph Ratzinger médite sur le mystère de la descente aux enfers de Jésus, qui libère ainsi l'homme de son angoisse la plus atroce: «Cette angoisse n'a en effet aucun objet auquel on puisse donner un nom, mais elle n'est que l'expression terrible de notre ultime solitude. Qui n'a pas ressenti la sensation effrayante de cette condition d'abandon? [...] Une chose est certaine: il existe une nuit dans l'obscurité de laquelle aucune parole de réconfort ne pénètre, une porte que nous devons franchir dans une solitude absolue: la porte de la mort. Toute l'angoisse de ce monde est finalement l'angoisse causée par cette solitude». La descente de Jésus est une lumière qui pénètre «jusque dans la nuit extrême dans laquelle aucune parole ne pénètre, dans laquelle nous sommes tous comme des enfants rejetés, qui pleurent», dans cette obscurité il y a «une voix qui nous appelle, une main qui nous prend et nous conduit». La solitude insurmontable de l'homme a été surmontée dès le moment où il s'y est trouvé. L'enfer a été vaincu à partir du moment où «l'amour est entré lui aussi dans la région de la mort et où le no man's land de la solitude a été habité par lui» et, conclut-il avec des mots qui résonnent aujourd'hui de manière encore plus vertigineuse, si «il nous est donné parfois d'approcher l'heure de notre ultime solitude, il nous sera permis de comprendre quelque chose de la grande clarté de cet obscur mystère». Dans la certitude pleine d'espoir qu'à l'heure de l'ultime solitude, nous ne serons pas seuls, nous pouvons d'ores et déjà présager de ce qui viendra. Et au milieu de notre protestation contre les ténèbres de la mort de Dieu, nous commençons à être reconnaissants pour la lumière qui nous vient de ces mêmes ténèbres.

L'incipit d'une nouvelle de Vladimir Nabokov parle d'un gentilhomme allemand, nommé Albinus, dont nous savons le peu que dit la pierre tombale, mais, écrit Nabokov, «bien que la surface d'une pierre tombale couverte de mousse soit suffisante pour contenir le résumé de la vie d'un homme, les détails sont toujours les bienvenu». Dans ces pages, il y aura quelques détails de la vie de Benoît xvi , recueillis et racontés à la lumière de la même foi qui a animé toute son existence, cette foi des chrétiens qui savent bien qu'il n'y a pas de pierre tombale suffisante pour enfermer le destin de tout homme. Le titre de cette histoire est «Un rire dans les ténèbres»: c'est la condition de Joseph-Benoît, qui a franchi aujourd'hui la porte de la mort pour vivre dans cette joie et cette lumière qu'il a suivies avec une humble ténacité tout au long de sa vie. (Andrea Monda)

Andrea Monda