En Ukraine comme en Syrie, en Terre Sainte comme au Liban et dans tout le Moyen-Orient, au Sahel comme au Yémen, en Birmanie comme en Iran ou en Haïti, le monde «connaît une grave pénurie de paix». C'est ce qu'a souligné le Pape François dans le traditionnel message Urbi et Orbi prononcé à midi le jour de Noël, dimanche 25 décembre, depuis la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre.
Chers frères et sœurs de Rome et du monde entier, joyeux Noël!
Que le Seigneur Jésus, né de la Vierge Marie, apporte à chacun l’amour de Dieu, source de confiance et d’espérance. Et qu’il vous apporte en même temps le don de la paix que les anges ont annoncé aux bergers de Bethléem: «Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime» (Lc 2, 14).
En ce jour de fête, nous tournons notre regard vers Bethléem. Le Seigneur vient au monde dans une grotte et il est couché dans une mangeoire pour animaux, parce que ses parents ne trouvaient pas où loger, alors que l’heure de l’enfantement était venue pour Marie. Il vient parmi nous dans le silence et dans la nuit parce que le Verbe de Dieu n’a pas besoin de projecteurs ni de la clameur des voix humaines. Il est lui-même la Parole qui donne sens à l’existence, il est la lumière qui éclaire le chemin. «La vraie Lumière — disait l’Evangile — qui éclaire tout homme en venant dans le monde» (Jn 1, 9).
Jésus naît au milieu de nous, il est Dieu-avec-nous. Il vient accompagner notre vie quotidienne pour tout partager avec nous, joies et souffrances, espérances et inquiétudes. Il vient comme un enfant sans défense. Il naît dans le froid, pauvre parmi les pauvres. Ayant besoin de tout, il frappe à la porte de notre cœur pour trouver chaleur et abri.
Comme les bergers de Bethléem, laissons-nous envelopper par la lumière et allons voir le signe que Dieu nous a donné. Surmontons la torpeur du sommeil spirituel et les fausses images de la fête qui nous font oublier celui qui est le fêté. Sortons de l’agitation qui anesthésie le cœur et nous pousse à préparer des décorations et des cadeaux plutôt qu’à contempler l’Evénement: le Fils de Dieu qui est né pour nous.
Frères et sœurs, tournons-nous vers Bethléem où retentissent les premiers cris du Prince de la Paix. Oui, parce que Jésus lui-même, est notre paix: cette paix que le monde ne peut donner et que Dieu le Père a donnée à l’humanité en envoyant son Fils dans le monde. Saint Léon le Grand a une expression qui, dans la concision de la langue latine, résume le message de cette journée: «Natalis Domini, Natalis est pacis», «Le Noël du Seigneur est le Noël de la paix» (Sermon 26, 5).
Jésus Christ est aussi le chemin de la paix. Par son incarnation, sa passion, sa mort et sa résurrection, Il a ouvert le passage d’un monde fermé, opprimé par les ténèbres de l’inimitié et de la guerre, à un monde ouvert, libre de vivre dans la fraternité et dans la paix. Frères et sœurs, suivons cette voie! Mais pour pouvoir le faire, pour être capable de marcher derrière Jésus, nous devons nous dépouiller des fardeaux qui nous entravent et nous maintiennent bloqués.
Et quels sont ces fardeaux? Quel est ce «boulet»? Ce sont les mêmes passions négatives qui ont empêché le roi Hérode et sa cour de reconnaître et d’accueillir la naissance de Jésus: c’est-à-dire, l’attachement au pouvoir et à l’argent, l’orgueil, l’hypocrisie, le mensonge. Ces fardeaux nous empêchent d’aller à Bethléem, ils nous excluent de la grâce de Noël et nous ferment l’accès au chemin de la paix. Et nous devons constater, en effet, avec tristesse que les vents de la guerre continuent à souffler le froid sur l’humanité, bien que le Prince de la Paix nous soit donné.
Si nous voulons que ce soit Noël, le Noël de Jésus et de la paix, regardons vers Bethléem et fixons notre regard sur le visage de l’Enfant qui est né pour nous! Et sur ce petit visage innocent, reconnaissons celui des enfants qui, dans toutes les régions du monde, aspirent à la paix.
Que notre regard se remplisse des visages de nos frères et sœurs ukrainiens qui vivent ce Noël dans l’obscurité, dans le froid ou loin de chez eux, à cause des destructions causées par dix mois de guerre. Que le Seigneur nous rende prêts à des gestes concrets de solidarité pour aider ceux qui souffrent, et qu’il éclaire l’esprit de ceux qui ont le pouvoir de faire taire les armes et de mettre fin immédiatement à cette guerre insensée! Malheureusement, on préfère écouter d’autres arguments dictés par les logiques du monde. Mais la voix de l’Enfant, qui l’écoute?
Notre époque connaît une grave pénurie de paix aussi dans d’autres régions, en d’autres théâtres de cette troisième guerre mondiale. Nous pen-sons à la Syrie, encore martyrisée par un conflit qui est passé au second plan mais qui n’est pas terminé. Et nous pensons à la Terre Sainte où la violence et les affrontements ont augmenté ces derniers mois, avec des morts et des blessés. Implorons le Seigneur pour que là, sur la terre qui l’a vu naître, le dialogue et la recherche de la confiance mutuelle entre Palestiniens et Israéliens puissent reprendre. Que l’Enfant Jésus soutienne les communautés chrétiennes qui vivent dans tout le Moyen-Orient, afin que dans chacun de ces pays l’on puisse vivre la beauté de la coexistence fraternelle entre personnes de confessions différentes. Qu’il aide le Liban en particulier, pour qu’il puisse enfin se relever, avec le soutien de la Communauté internationale et avec la force de la fraternité et de la solidarité. Que la lumière du Christ illumine la région du Sahel où la coexistence pacifique des peuples et des traditions est brisée par des affrontements et des violences. Puisse-t-il guider vers une trêve durable au Yémen et vers la réconciliation en Birmanie et en Iran, afin que cesse toute effusion de sang. Qu’il inspire les autorités politiques et toutes les personnes de bonne volonté du continent américain à œuvrer à la pacification des tensions politiques et sociales qui affectent différents pays; je pense en particulier au peuple haïtien qui souffre depuis si longtemps.
En ce jour où il est bon de se réunir autour de la table dressée, ne détournons pas le regard de Bethléem, qui signifie «maison du pain», et pen-sons aux personnes qui souffrent de la faim, en particulier les enfants, alors que, chaque jour, de grandes quantités de nourriture sont gaspillées et que l’on dépense des ressources pour les armes. La guerre en Ukraine a encore aggravé la situation, laissant des populations entières menacées de famine, notamment en Afghanistan et dans les pays de la Corne de l’Afrique. Toute guerre — nous le savons — provoque la faim et utilise la nourriture elle-même comme une arme, en empêchant sa distribution à des populations qui souffrent déjà. En ce jour, prenant exemple sur le Prince de la Paix, engageons-nous tous, et en premier lieu ceux qui ont une responsabilité politique, pour que la nourriture ne soit qu’un instrument de paix. Alors que nous profitons de la joie de retrouver les nôtres, pensons aux familles les plus blessées par la vie, et à celles qui, en cette période de crise économique, luttent contre le chômage et manquent du nécessaire pour vivre.
Chers frères et sœurs, aujourd’hui comme hier, Jésus, la vraie lumière, vient dans un monde malade d’indifférence — une vilaine maladie! — qui ne l’accueille pas (cf. Jn 1, 11) mais qui le rejette au contraire comme cela arrive à de nombreux étrangers, ou bien qui l’ignore comme nous le faisons trop souvent avec les pauvres. N’oublions pas aujourd’hui les nombreux réfugiés et personnes déplacées qui frappent à nos portes en quête de soutien, de chaleur et de nourriture. N’oublions pas les marginalisés, les personnes seules, les orphelins et les personnes âgées — sagesse d’un peuple — qui risquent d’être mises au rebut, les détenus que nous regardons seulement pour leurs erreurs et non comme des êtres humains.
Frères et sœurs, Bethléem nous montre la simplicité de Dieu qui se révèle non pas aux sages et aux savants mais aux petits, à ceux dont le cœur est pur et ouvert (cf. Mt 11, 25). Comme les bergers, allons-nous aussi sans tarder nous émerveiller devant l’événement impensable de Dieu qui se fait homme pour notre salut. Celui qui est la source de tout bien se fait pauvre (cf. Grégoire de Nazianze, Discours 45) et demande en aumône notre pauvre humanité. Laissons-nous émouvoir par l’amour de Dieu, et suivons Jésus, qui s’est dépouillé de sa gloire pour nous faire participer à sa plénitude (cf. ibid).
Joyeux Noël à tous!