Le souhait et le vœu que chacune des personnes présentes «puisse devenir un “poète de la paix”, ont été adressés par le Pape François aux élèves et aux enseignants qui animent le programme éducatif «Per la Pace, con la Cura» («Pour la Paix, avec le Soin») au sein du Réseau national des écoles pour la paix italiennes. Au cours de l’audience qui s’est tenue dans la salle Paul vi, le lundi 28 novembre, le Souverain Pontife a prononcé le discours suivant:
Chers garçons et filles, chers professeurs, bonjour et bienvenue!
Je suis heureux que vous ayez répondu avec enthousiasme à l'invitation du Réseau national des écoles pour la paix. Merci d'être venus. Et merci à tous ceux qui ont organisé cette rencontre, en particulier à M. Lotti.
Je vous félicite, étudiants et éducateurs, pour le riche programme d'activités et de formation que vous avez entrepris, qui culminera avec la Marche Pérouse-Assise au mois de mai de l'année prochaine, où vous aurez l'occasion de présenter les résultats de votre travail et vos propositions.
Assise est devenue désormais un centre mondial de promotion de la paix, grâce à la figure charismatique de ce jeune assisien insouciant et rebelle nommé François, qui a quitté sa famille et ses richesses pour suivre le Seigneur et épouser Mère pauvreté. Ce jeune rêveur est encore aujourd’hui une source d'inspiration pour ce qui concerne la paix, la fraternité, l'amour pour les pauvres, l'écologie, l'économie. Tout au long des siècles, saint François a fasciné beaucoup de personnes, tout comme il m'a fasciné moi aussi qui, en tant que Pape, ai voulu prendre son nom.
Votre programme éducatif «Pour la paix, avec le soin» veut répondre à l'appel pour un Pacte éducatif global, que j'ai adressé il y a trois ans à tous ceux qui travaillent dans le domaine éducatif, afin qu'ils «se fassent les promoteurs des valeurs de soin, de paix, de justice, de bien, de beauté, d'accueil de l'autre et de fraternité» (Message vidéo du 15 octobre 2020). Et je me réjouis de voir que non seulement les écoles, les universités et les organisations catholiques répondent à cet appel, mais aussi des institutions publiques, laïques et d'autres religions.
Pour qu'il y ait la paix, comme le dit bien votre devise, il faut «prendre soin». Nous parlons souvent de paix lorsque nous nous sentons directement menacés, comme dans le cas d'une éventuelle attaque nucléaire ou d'une guerre menée à nos portes. De la même manière que nous nous intéressons aux droits des migrants lorsque nous avons de la famille ou des amis émigrés. En réalité, la paix nous concerne toujours! Comme toujours, nous nous préoccupons de l'autre, de notre frère, de notre sœur, et nous devons prendre soin de celui-ci, de celle-là.
Un modèle par excellence du fait de prendre soin est le samaritain de l'Evangile, qui a secouru un inconnu qu’il a trouvé blessé le long de la route. Le samaritain ne savait pas si ce malheureux était une bonne personne ou un bandit, s'il était riche ou pauvre, instruit ou ignorant, juif, samaritain comme lui ou étranger; il ne savait pas si ce malheur «l’avait cherché» ou non. L'Evangile dit: «Il le vit et eut compassion» (Lc 10, 33). Il le vit et eut de la compassion. D'autres, avant lui, avaient vu cet homme, mais ils avaient poursuivi leur chemin. Le samaritain ne s'est pas posé beaucoup de questions, il a suivi le mouvement de la compassion.
Même à notre époque, nous pouvons rencontrer de bons témoignages de personnes ou d'institutions qui travaillent pour la paix et prennent soin de ceux qui sont dans le besoin. Pensons par exemple à ceux qui ont reçu le prix Nobel de la paix, mais aussi à de nombreux inconnus qui œuvrent dans le silence pour cette cause.
Aujourd'hui, je voudrais évoquer deux figures de témoins. La première est celle de saint Jean xxiii . Il a été appelé le «bon Pape», et aussi le «Pape de la paix», parce que dans ces débuts difficiles des années 60 marqués par de fortes tensions — la construction du mur de Berlin, la crise de Cuba, la guerre froide et la menace nucléaire — il a publié la célèbre et prophétique encyclique Pacem in terris. L’année prochaine, on fêtera ses 60 ans, et elle est tout à fait d’actualité! Le Pape Jean s'adresse à tous les hommes de bonne volonté, demandant la résolution pacifique de toutes les guerres à travers le dialogue et le désarmement. C'était un appel qui avait reçu une grande attention dans le monde, bien au-delà de la communauté catholique, parce qu'il avait touché un besoin de toute l'humanité, qui est encore celui d'aujourd’hui. C'est pourquoi je vous invite à lire et étudier Pacem in terris à suivre cette voie pour défendre et diffuser la paix.
Quelques mois après la publication de cette encyclique, un autre prophète de notre époque, Martin Luther King, prix Nobel de la paix en 1964, a prononcé le discours historique dans lequel il a dit: «J'ai un rêve». Dans un contexte américain fortement marqué par les discriminations raciales, il avait fait rêver tout le monde avec l'idée d'un monde de justice, de liberté et d'égalité. Il avait dit: «J'ai un rêve: que mes quatre jeunes enfants vivent un jour dans un pays où ils ne seront pas jugés pour la couleur de leur peau, mais pour la dignité de leur personne».
Et vous, garçons et filles: quel est votre rêve pour le monde d'aujourd'hui et de demain? Je vous encourage à rêver en grand, comme Jean xxiii et Martin Luther King. C’est pourquoi je vous invite à participer, l’année prochaine, aux Journées mondiales de la jeunesse, qui auront lieu à Lisbonne. Ceux d'entre vous qui pourront venir, rencontreront de nombreux autres garçons et filles de toutes les parties du monde, tous unis par le rêve de la fraternité basée sur la foi dans le Dieu qui est Paix, le Père de Jésus Christ et Notre Père. Et si vous ne pouvez pas venir physiquement, je vous invite quand même à suivre et à participer, parce que maintenant, avec les moyens d'aujourd'hui, cela est possible.
Je vous souhaite à tous un bon chemin de l'Avent que nous avons commencé hier: un chemin fait de tant de petits gestes de paix, chaque jour: gestes d'accueil, de rencontre, de compréhension, de proximité, de pardon, de service... Des gestes faits avec le cœur, comme des pas vers Beth-léem, vers Jésus qui est le Roi de la paix, et même, Lui-même, la paix.
Le poète Borges termine, ou mieux, ne termine pas une de ses poésies par ces mots: «Je veux remercier... pour Whitman et François d'Assise qui ont déjà écrit ce poème, pour le fait que ce poème est inépuisable et se confond avec la somme des créatures et il n’atteindra jamais le dernier vers et change selon les hommes». Que vous aussi, garçons et filles, puissiez accueillir l'invitation du poète de continuer sa poésie, en ajoutant chacun ce pour quoi il veut remercier, ce qu'il veut. Que chacun de vous puisse devenir «poète de la paix»! Devenez des poètes de paix: vous avez compris? -Poètes de paix.
Merci d'être venus. Je vous bénis tous de tout cœur. Et s'il vous plaît, priez pour moi. Merci.