· Cité du Vatican ·

Le Pape évoque son voyage au Bahreïn

Le dialogue est l’oxygène de la paix

 Le dialogue  est l’oxygène de la paix  FRA-045
10 novembre 2022

Chers frères et sœurs, bienvenus et bonjour!

Avant de parler de ce que j’ai préparé, je voudrais attirer l’attention sur ces deux jeunes qui sont venus ici. Ils n’ont pas demandé la permission, ils n’ont pas dit: «Ah, j’ai peur»: ils sont venus directement. C’est ainsi que nous devons être avec Dieu: directement. Ils nous ont donné un exemple de la manière dont nous devons être avec Dieu, avec le Seigneur: aller de l’avant! Lui nous attend toujours. Cela m’a fait du bien de voir la confiance de ces deux enfants: c’est un exemple pour nous tous. C’est ainsi que nous devons toujours nous approcher du Seigneur: avec liberté. Merci.

Il y a trois jours, je suis rentré de mon voyage au Royaume de Bahreïn, que je ne connaissais pas, vraiment: je ne savais pas bien comment était ce royaume. Je tiens à remercier tous ceux qui ont accompagné cette visite avec le soutien de la prière, et renouveler ma gratitude à Sa Majesté le Roi, aux autres autorités, à l’Eglise locale et à la population pour leur accueil chaleureux. Et aussi, je veux remercier les organisateurs des voyages: pour effectuer ce voyage, il y a beaucoup de gens qui se déplacent, la secrétairerie d’Etat travaille beaucoup pour préparer les discours, pour préparer la logistique, tout, beaucoup de gens sont mobilisés... puis les traducteurs... et encore le Corps de la gendarmerie, le Corps de la Garde suisse, qui sont très bien. C’est un travail énorme! Tous, je voudrais vous remercier tous publiquement pour tout ce que vous faites pour qu’un voyage du Pape se passe bien. Merci.

La question se pose spontanément: pourquoi le Pape a-t-il voulu visiter ce petit pays à très forte majorité musulmane? Il y tant de pays chrétiens: pourquoi ne pas aller d’abord dans l’un ou l’autre? Je voudrais répondre à travers trois mots: dialogue, rencontre et chemin.

Dialogue: l’occasion de ce voyage désiré depuis longtemps a été offerte par l’invitation du Roi à un Forum sur le dialogue entre Orient et Occident. Un dialogue qui sert à découvrir la richesse de ceux qui appartiennent à d’autres peuples, d’autres traditions, d’autres croyances. Bahreïn, un archipel composé de nombreuses îles, nous a permis de comprendre qu’il ne faut pas vivre en s’isolant, mais en se rapprochant. Au Bahreïn, qui sont des îles, ils se sont rapprochés, ils se sont effleurés. La cause de la paix l’exige, et le dialogue est «l’oxygène de la paix». N’oubliez pas cela: le dialogue est l’oxygène de la paix. Même dans la paix domestique. Si une guerre y a été livrée, entre le mari et la femme, après, avec le dialogue on va de l’avant avec la paix. Dans la famille, il faut également dialoguer: dialoguer, car avec le dialogue on conserve la paix. Il y a près de soixante ans, le Concile Vatican ii, en parlant de la construction de l’édifice de la paix, affirmait que «cette œuvre exige que [les hommes] ouvrent leur intelligence et leur cœur au-delà des frontières de leur propre pays, qu’ils renoncent à l’égoïsme national et au désir de dominer les autres nations, et qu’ils entretiennent un profond respect envers toute l’humanité, qui s’avance avec tant de difficultés vers une plus grande unité». (Gaudium et spes, n. 82). Au Bahreïn, j’ai ressenti ce besoin et j’ai souhaité que, dans le monde entier, les leaders religieux et civils sachent regarder au-delà de leurs propres frontières, de leurs propres communautés, pour prendre soin de l’ensemble. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut affronter certains thèmes universels, par exemple l’oubli de Dieu, la tragédie de la faim, la sauvegarde de la création, la paix. Ensemble, on pense cela. Dans ce sens, le Forum de dialogue, intitulé «Orient et Occident pour la coexistence humaine», a exhorté à choisir la voie de la rencontre et à rejeter celle de la confrontation. Combien nous en avons besoin! Combien avons-nous besoin de nous rencontrer! Je pense à la guerre folle — folle! — dont est victime l’Ukraine martyrisée, et à tant d’autres conflits, qui ne seront jamais résolus par la logique puérile des armes, mais seulement par la force douce du dialogue. Mais au-delà de l’Ukraine, qui est martyrisée, pen-sons aux guerres qui durent depuis des années, pensons à la Syrie — plus de 10 ans! — Pensons par exemple à la Syrie, pensons aux enfants du Yémen, pensons au Myanmar: partout! Maintenant, la plus proche est l’Ukraine, que font les guerres? Elles détruisent, elles détruisent l’humanité, elles détruisent tout. Les conflits ne doivent pas être résolus par la guerre.

Mais il ne peut y avoir de dialogue sans — deuxième mot — rencontre. Au Bahreïn, nous nous sommes rencontrés, et plusieurs fois, j’ai entendu le souhait qu’entre chrétiens et musulmans, il y ait plus de rencontres, qu’il y ait des relations plus fortes, que chacun prenne l’autre plus à cœur. Au Bahreïn — comme c’est la coutume en Orient — les gens portent la main à leur cœur lorsqu’ils saluent quelqu’un. Je l’ai fait aussi, pour faire de la place en moi à ceux que j’ai rencontrés. Car, sans accueil, le dialogue reste vide, apparent, il reste une question d’idées et non de réalité. Parmi les nombreuses rencontres, je repense à celle avec mon cher frère, le Grand Imam d’Al-Azhar — cher frère! et à celle avec les jeunes de l’école du Sacré-Cœur, des étudiants qui nous ont donné une grande leçon: ils étudient ensemble, chrétiens et musulmans. En tant que jeunes, en tant qu’adolescents, en tant qu’enfants, il faut apprendre à se connaître, afin que la rencontre fraternelle prévienne les divisions idéologiques. Et ici, je veux remercier l’école du Sacré-Cœur, remercier Sœur Rosalyn qui a si bien dirigé cette école, et les enfants qui ont participé avec des discours, des prières, des danses, des chants: je m’en souviens bien! Merci beaucoup. Mais les anciens ont également offert un témoignage de sagesse fraternelle: je repense à la rencontre avec le Conseil Musulman des Anciens, une organisation internationale fondée il y a quelques années, qui promeut les bonnes relations entre les communautés islamiques, sur la base du respect, de la modération et de la paix, en s’opposant au fondamentalisme et à la violence.

Ainsi nous allons vers le troisième mot: chemin. Le voyage au Bahreïn ne doit pas être considéré comme un épisode isolé, il fait partie d’un parcours, inauguré par Saint Jean Paul ii lorsqu’il s’est rendu au Maroc. Ainsi, la première visite d’un Pape au -Bahreïn a représenté une nouvelle étape dans la marche entre croyants chrétiens et musulmans: non pas pour nous confondre ou édulcorer la foi, non, le dialogue n’édulcore pas; mais pour construire des alliances fraternelles au nom du père Abraham, qui fut pèlerin sur terre sous le regard miséricordieux du Dieu unique du Ciel, Dieu de la paix. C’est pourquoi la devise du voyage était: «Paix sur terre aux hommes de bonne volonté». Et pourquoi je dis que le dialogue n’édulcore pas? Parce que pour dialoguer, il faut avoir sa propre identité, on doit partir de sa propre identité. Si tu n’as pas d’identité, tu ne peux pas dialoguer, car tu ne comprends même pas ce que tu es. Pour que le dialogue soit bon, on doit toujours partir de sa propre identité, être conscient de sa propre identité, et c’est ainsi qu’on peut dialoguer.

Dialogue, rencontre et chemin au -Bahreïn ont également eu lieu entre chrétiens: par exemple, la première rencontre, en effet, a été œcuménique, de prière pour la paix, avec le cher patriarche et frère Bartholomée et avec des frères et sœurs de diverses confessions et rites. Elle a eu lieu dans la Cathédrale, dédiée à Notre-Dame d’Arabie, dont la structure évoque une tente, celle dans laquelle, selon la Bible, Dieu rencontrait -Moïse dans le désert, tout au long du chemin. Les frères et sœurs dans la foi, que j’ai rencontrés au Bahreïn, vivent vraiment «en chemin»: ce sont pour la plupart des travailleurs migrants qui, loin de chez eux, trouvent leurs racines dans le peuple de Dieu et leur famille dans la grande famille de l’Eglise. C’est merveilleux de voir ces migrants, Philippins, Indiens et autres, chrétiens, se rassembler et se soutenir mutuellement dans la foi. Et ils vont de l’avant avec joie, dans la certitude que l’espérance de Dieu ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5). En rencontrant les Pasteurs, les consacrés, les agents de la pastorale et, lors de la Messe festive et émouvante célébrée dans le stade, tant de fidèles, venus aussi d’autres pays du Golfe, je leur ai apporté l’affection de toute l’Eglise. Le voyage a consisté en cela.

Et aujourd’hui, je voudrais vous transmettre leur joie authentique, simple et belle. En nous rencontrant et en priant ensemble, nous avons senti que nous étions un seul cœur et une seule âme. En pensant à leur chemin, à leur expérience quotidienne du dialogue, sentons-nous tous appelés à élargir les horizons: s’il vous plaît, des cœurs ouverts, pas des cœurs fermés, durs. Ouvrez les cœurs, parce que nous sommes tous frères et pour que cette fraternité humaine aille plus loin. Elargir nos horizons, ouvrir, élargir les champs d’intérêt et nous consacrer à la connaissance des autres. Si tu te consacres à la connaissance des autres, tu ne seras jamais menacé. Mais si tu as peur des autres, tu seras toi-même une menace pour eux. Le chemin de la fraternité et de la paix a besoin de tous et de chacun pour se poursuivre. Je donne la main, mais si de l’autre côté il n’y a pas une autre main, cela ne sert à rien. Que la Vierge nous aide sur ce chemin! Merci!

Parmi les pèlerins qui assistaient à l’Audience générale du 9 novembre se trouvaient les groupes francophones suivants:

De France: Pèlerinage du diocèse d’Auch; écoles Les Francs Bourgeois-La Salle, de Paris.

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du diocèse d’Auch et les jeunes de l’école des Francs Bour-geois-La Salle. Frères et sœurs, à l’exemple du peuple du Bahreïn, sentons-nous tous appelés à élargir nos horizons et nos intérêts, en nous ouvrant à la connaissance des autres. Car pour avancer sur le chemin de la fraternité et de la paix, nous avons besoin de tous et de chacun. Que Dieu vous bénisse!

En saluant les pèlerins de langue italienne, le Saint-Père a ajouté les paroles suivantes:

Ma pensée se tourne à présent vers le peuple de Chypre, en deuil national à la suite du décès de Sa Béatitude Chrysostomos ii. Ce fut un pasteur clairvoyant, un homme de dialogue et aimant la paix, qui a cherché à promouvoir la réconciliation entre les différentes communautés du pays. Je me souviens avec affection et gratitude des rencontres fraternelles que nous avons eues à Chypre, au cours de ma visite l’an dernier. Prions pour le repos éternel de son âme.

Je renouvelle mon invitation à la prière pour l’Ukraine martyrisée: demandons au Seigneur la paix pour cette population si éprouvée et qui souffre de tant de cruauté, tant de cruauté de la part des mercenaires qui font la guerre.