Un cri doux mais ferme, pour s’élever au-dessus du fracas des armes et de la guerre: c’est «Le cri de la paix» que les responsables religieux et politiques ont lancé à l’occasion de la rencontre internationale, organisée par la communauté de Sant’Egidio, qui s’est ouverte le dimanche 23 octobre au centre de congrès La Nuvola à Rome. Des représentants de plus de quarante pays du monde se sont réunis, dans l’esprit de la rencontre d’Assise convoquée par Jean-Paul ii en 1986, promouvant une vision des religions «non pas l’une contre l’autre» mais qui, ensemble, «prient pour la paix», comme cela été rappelé à l’ouverture par le fondateur de la communauté de Sant’Egidio, Andrea Riccardi. Le Pape François, lors de l’Angelus du dimanche 23, place Saint-Pierre, a invité à s’unir spirituellement à cette grande invocation à Dieu «parce que la prière est la force de la paix», et a rappelé sa participation lors de la cérémonie finale le 25 octobre au Colisée.
Les paroles du Pape ont ainsi précédé la rencontre d’ouverture de l’après-midi, qui a vu la présence, outre celle d’Andrea Riccardi et du cardinal-président de la cei, Matteo Maria Zuppi, également du président de la République italienne, Sergio Mattarella, et du président de la République française, Emmanuel Macron.
«Le cri de la paix — a dit le cardinal Zuppi — naît parce que nous avons été touchés par le cri dramatique de la souffrance»: «Nous sommes ici parce que cette outre de larmes, souvent observée avec indifférence ou une incapacité coupable des hommes, demande à être asséchée par la paix». Le président de la cei a ensuite invité à accueillir l’appel du Pape François pour l’Ukraine et a demandé «que l’engagement pour la paix et la justice, qui vont nécessairement de pair, trouve en tous, à commencer par les membres du gouvernement, des réponses adéquates». «Nous devrons assurément reprendre un discours sérieux sur le réarmement — a-t-il souligné — pour éviter que l’unique logique soit celle militaire, demander que tous les sujets, contribuent avec audace à tisser la toile de la paix». C’est précisément la toile tissée par la communauté de Sant’Egidio unissant des croyants de confessions diverses, qui «permet à de nombreuses personnes de choisir la paix et le dialogue». Choisir cette voie, signifie toutefois être exposés à des critiques ou des accusations. «L’une des choses les plus insensées de notre temps est de dire que vouloir la paix signifie être pro-Poutine — a dit à ce propos Andrea Riccardi —. C’est absolument faux. Parce que la paix est avant tout un mot pour les Ukrainiens, ce pays martyrisé qui a subi l’agression russe, dont huit millions d’habitants sont déplacés en dehors de leurs frontières». A un moment oµ la «satiété et la peur poussent à multiplier les défenses, à sécuriser ses espaces, à fortifier les identités, à attaquer de façon arbitraire, à tenir des discours durs, à des guerres sans fin», il faut au contraire «imaginer des visions de paix avec plus d’audace. Une imagination prophétique ou poétique» a déclaré le fondateur de la communauté de Sant'Egidio.
On ne peut atteindre la paix en exaltant la guerre et la volonté de puissance — a affirmé le président de la République italienne Sergio Mattarella — Parce que la paix est intégrale ou elle n’existe pas. Et elle n’existe pas si elle n’est pas soutenue par la vérité et la justice». Le président Mattarella a également ajouté que la «déplorable guerre menée par la Fédération russe contre l’Ukraine représente un défi direct aux valeurs de la paix, met chaque jour le peuple ukrainien en grave danger, affecte également le peuple russe et entraîne des conséquences dramatiques pour le monde entier». Face à l’évocation de scénarios si terribles, nos consciences invoquent la paix, mais ce doit être une paix, selon le président de la République italienne, «qui n’ignore pas le droit à se défendre et ne détourne pas le regard du devoir de prêter secours à un peuple agressé».
Selon le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, on ne peut oublier que tandis qu’à Rome on se réunit pour parler de paix, «les Ukrainiens et les Ukrainiennes se battent pour protéger leur territoire». Toutefois, une «paix est possible»: «Celle qu’ils décideront — a-t-il dit en se référant aux Ukrainiens — et qui respectera leurs droits de peuple souverain». «Ne laissons pas la paix être aujourd'hui capturée par le pouvoir russe — a poursuivi Emmanuel Macron —. Aujourd’hui, la paix ne saurait être la consécration de la loi du plus fort». Il a ensuite ajouté que, après son engagement à dialoguer avec le président Poutine, le moment est venu à présent de parler, même «en-dessous avec le peuple russe parce que cette guerre ne peut pas être totalement la leur aujourd’hui».
Beatrice Guarrera