«Nous avons donc besoin de religion pour répondre à la soif de paix du monde et à la soif d’infini qui habite le cœur de chaque homme», a affirmé le Pape François mercredi 14 septembre dans son discours d'ouverture du septième congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles à Nour-Soultan, capitale du Kazakhstan. Une soif qui a deux «directions», la paix et l'infini, mais le même centre: Dieu. La discussion, aussi bien dans l’intervention du Pape que dans celles des autres leaders religieux participant au Congrès, a surtout porté sur le premier aspect, la soif de paix; un résultat inévitable à un moment de l'histoire où le monde souffre de cette troisième guerre qui est maintenant déclarée et totale et non plus «par morceaux».
Le Pape a parlé plus précisément du «défi de la paix», un défi qui provoque surtout les croyants «au nom de cette fraternité qui nous unit tous, en tant que fils et filles du même Ciel» et il a répété avec véhémence que la dimension religieuse ne doit pas être utilisée à des fins politiques et réduite à un «accessoire de pouvoir»: «En mémoire des horreurs et des erreurs du passé, unissons nos efforts pour que jamais plus le Tout-Puissant ne devienne otage de la volonté de puissance humaine».
Dans l'homélie de la Messe de mercredi après-midi sur la place de l'Expo, François est revenu sur le thème de la mémoire, en soulignant combien «il est bon que nous gardions le souvenir de ce que nous avons souffert: nous ne devons pas effacer de notre mémoire certaines obscurités, au risque de croire qu’elles appartiennent au passé et que le chemin du bien est tracé pour toujours. Non, la paix n’est jamais acquise une fois pour toutes, -elle doit être conquise chaque jour». Pour ce faire, il est toutefois nécessaire de revenir aux sources de la foi et de se libérer «de ces conceptions réductrices et destructrices qui offensent le nom de Dieu par les rigidités, les extrémismes et les fondamentalismes, et le profanent par la haine, le fanatisme et le terrorisme, défigurant également l’image de l’homme».
Dès la fin des années 90, Joseph Ratzinger, discutant avec Jurgen Habermas, argumentait sur la nécessité d'une purification de la religion; aujourd'hui, le Pape affirme l'urgence de revenir à une «religiosité authentique. L’heure est venue de se réveiller de ce fondamentalisme qui pollue et corrode toutes les croyances, l’heure de rendre le cœur limpide et compatissant».
Si les peuples ont soif de paix, les cœurs ont soif d'infini. Dans son discours, le Pape cite Abai, le grand -poète kazakh qui exhortait à garder «l'âme éveillée et l'esprit clair» et il place à ses côtés le grand poète de l'infini, Giacomo Leopardi: «Abai nous provoque avec une question perpétuelle: “Quelle est la beauté de la vie, si l’on ne va pas en profondeur?” -(Poésie, 1898). Un autre poète se demandait le sens de l’existence, en mettant sur les lèvres d’un pasteur de ces terres infinies d’Asie une question tout aussi essentielle: “Où tend mon errance éphémère?” (G. Leopardi, Chant nocturne d’un Pasteur nomade de l’Asie)».
La soif émerge avec toute sa force destructrice dans les lieux et les «moments» désertiques, et dans certaines interventions prononcées lors du congrès, ce cri a été entendu à propos de la «désertification» qui a attaqué la dimension spirituelle de l'humanité. Par exemple, dans son discours, l'imam Ahmed Al-Tayyeb, cheikh d'Al-Azhar, a parlé du «déclin de l'aspect spirituel» ainsi que de l'absence de «la dimension morale sur le chemin de l'homme contemporain». Or, c'est précisément la soif, dirait le petit prince de Saint-Exupéry, qui, dans le désert, signale la présence du puits. Le cardinal Zuppi l'a rappelé il y a quelques jours dans une interview accordée à notre journal: «Si l'image de la désertification spirituelle est vraie, il faut aussi qu'il y ait de l'eau. Le désert en tant que tel exprime la soif, le besoin et la recherche d'eau». L'écrivaine danoise Karen Blixen observait que «jusqu'à aujourd'hui, personne n'a vu les oiseaux migrateurs se diriger vers des sphères plus chaudes qui n'existent pas, ni les rivières dévier à travers les rochers et les plaines pour se jeter dans un océan introuvable. Car Dieu ne crée pas un désir, une envie ou une espérance sans avoir une réalité prête pour les réaliser. Notre désir est notre certitude».
Le désir de paix et le désir d'infini parlent de la même soif, celle que l'on ressent le plus lorsqu'on perd la confiance en Dieu et que l'on s'égare dans nos déserts existentiels, comme l'a rappelé le Pape avec émotion dans son homélie de l'après-midi: «Combien de fois, découragés et impatients, nous nous sommes desséchés dans nos déserts, perdant de vue le but du voyage! Dans ce grand pays aussi, il existe un désert qui, tout en offrant un paysage splendide, nous parle de cette peine, de cette aridité que nous portons parfois dans notre cœur. Ce sont les moments de fatigue et d’épreuve, dans lesquels nous n’avons plus la force de regarder vers le haut, vers Dieu».
Reprendre le chemin, et marcher ensemble, de l'avant et vers le haut. Tel était le message du pèlerinage de paix et d'unité du Pape François au Kazakhstan, dans l’assurance que, «Face à nos bassesses, Dieu nous donne une nouvelle hauteur». C'est la force vivante et vitale des religions que le Pape, s'adressant aux autres leaders religieux du monde, a réaffirmée avec insistance: «Face au mystère de l’infini qui nous domine et qui nous attire, les religions nous rappellent que nous sommes des créatures: nous ne sommes pas tout-puissants, mais des femmes et des hommes en marche vers le même but céleste». (andrea monda)
Andrea Monda