«Il est temps d'éviter l'accentuation des rivalités et le renforcement des blocs opposés. Nous avons besoin de dirigeants qui, au niveau international, permettent aux peuples de se comprendre et de dialoguer, et qui génèrent un nouvel “esprit d'Helsinki”, la volonté de renforcer le multilatéralisme, de construire un monde plus stable et pacifique en pensant aux nouvelles générations». Le Pape François fixe son regard sur l'avenir du monde. Il ne s'abandonne pas à la logique terrible et sans issue de l'escalade militaire qui risque de détruire l'humanité. Pour cette raison, il continue d’indiquer des voies concrètes pour la paix; des moyens de sortir de la vieille logique des alliances militaires, de la colonisation économique, du pouvoir écrasant des grands et des puissants sur le plan international.
De la capitale kazakhe Nour-Soultan, où, en septembre 2001, Jean-Paul ii , dans un moment tragique de l'histoire de l'humanité (moins de deux semaines après les attentats contre les tours jumelles de New-York), lançait un appel à supprimer toute justification du terrorisme et de la violence qui abusent du nom de Dieu, son successeur François a appelé à un renouveau de l'esprit qui, en 1975, a conduit à des mesures concrètes de dialogue entre l'Orient et l'Occident. Il y a 21 ans, l'appel du Pape Karol Wojtyla — qui, quelques mois avant les attentats de New-York, était entré pieds nus dans la mosquée des Omeyyades à Damas — s'adressait avant tout aux chefs religieux. Aujourd'hui, Les paroles de François, préoccupé par une troisième guerre mondiale qui n'est plus «en morceaux», s'adressent avant tout aux dirigeants des nations, surtout les grandes.
Les accords d'Helsinki, dans lesquels le Saint-Siège est pleinement engagé pour la première fois au cours d’une réunion de ce genre depuis le Congrès de Vienne, sont signés par trente-cinq Etats, dont les Etats-Unis, l'URSS et pratiquement toutes les nations européennes. Ils énoncent un certain nombre de principes dont le respect des droits de souveraineté, le non-recours à la force, le règlement pacifique des différends, l'inviolabilité des frontières et l'intégrité territoriale des Etats, le respect des droits et libertés de l'homme, y compris les libertés religieuses, et l'autodétermination des peuples.
Un regard sur l'Histoire récente, avec l'évanouissement progressif des nombreux espoirs nés de l'implosion du système communiste soviétique, nous aide à comprendre l'actualité pressante et aussi l'audace de la perspective indiquée par le Successeur de Pierre. Un chemin qui ne peut passer que par la compréhension, la patience et le dialogue avec tous: «Je le répète, avec tous», a délibérément souligner François dans son discours aux autorités et au corps diplomatique dans la capitale kazakhe.
Des mots tels que «dialogue» et «négociation», plus de six mois après le début de la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine et après la mort de milliers de civils sous les bombardements russes, sont reçus avec irritation et presque considérés comme blasphématoires par ceux qui paient chèrement les conséquences du conflit sur leur propre peau et celle de leurs proches. Mais l'appel du Pape, qui évoque la nécessité toujours plus pressante d'«élargir l'engagement diplomatique en faveur du dialogue et de la rencontre», s'adresse en particulier à «ceux qui, dans le monde, détiennent plus de pouvoir» et qui, par conséquent, «ont plus de responsabilités envers les autres, en particulier envers les pays mis en plus grande difficulté en raison de logiques conflictuelles». Cet appel est une invitation aux grands de ce monde à ne pas regarder uniquement «les intérêts qui sont à leur avantage», à sortir de la logique des blocs pour appliquer enfin ce que François appelle des «schémas de paix» et non plus des «schémas de guerre», issus de la vieille logique et de la folie de la course au réarmement. Il faut espérer, pour tous, que cet appel soit entendu. (andrea tornielli)
Andrea Tornielli