Histoire de la forêt résiliente et de l’écrivaine
La forêt de Cuma est trimillénaire, elle s’étend sur de longs kilomètres sous l’acropole de Cuma, site archéologique de la ville métropolitaine de Naples, lieu de suggestions ininterrompues. C’est une forêt oubliée, maltraitée et abandonnée. Si l’on lit le livre qu’Antonella Cilento lui a consacré, elle est toutefois résiliente, parce que, malgré tout, malgré tant de choses, elle vit. On peut donc la sauver.
Austère, magique, la Sybille est là, c’est la protagoniste du livre Solo di uomini il bosco può morire (la forêt ne peut mourir que par la faute des hommes), éditions Aboca : un titre emprunté avec dévotion à Danilo Dolci, italien, sociologue, poète, éducateur et activiste de la non-violence. L’auteure la redécouvre au cours de la pandémie, quand on ne pouvait aller nulle part, quand pas même le monde, à certains moments, ne savait où aller. Elle en redécouvre l’histoire, la flore, la faune. Et elle raconte son déchirement.
« Dans cet enchantement, cependant, les résidus de la pollution sont en quantité énorme, les dunes proches du rivage mettent en scène une foire au plastique. Plastiques de toutes sortes : pneus de voiture, béquilles, chaises, récipients pour détergents, lait, chaussures, poussettes, vêtements, fragments de verres, d’assiettes, de roues, de 79 récipients, de lustres, de tuyaux, d’outils, bouteilles, bouchons, stylos, bancs, parapluies et parasols, tables. Des taches acides de détergents, des lacs de naphte, de diesel et d’essence, écume de détergents et de médicaments, des bidons de pesticides. Les dunes, peuplées de plantes et de coquillages que la mer ramène du large, sont désormais faites de plastique. Les microplastiques consommés par le vent et le sel sont partout. Emballages en papier, sacs alimentaires, rats morts, mouchoirs en papier utilisés pour déféquer, préservatifs : c’est presque le moins que l’on puisse trouver, si l’on considère l’intense pénétration d’infimes fragments de nos ustensiles quotidiens – brosses à dents, étuis à lunettes, récipients alimentaires, sacs de congélation, sacs, sacs et encore des sacs, lacets, gants – dans la vie des plantes des dunes et de leurs habitants – scarabées, insectes, les très rares abeilles bleues qui habitent, comme le lys de Cuma, uniquement cette plage. Au-dessus de nous, des mouettes et d’autres oiseaux que j’apprendrai à connaître les jours suivent volent en masse. Les faucons volent haut et avec circonspection.
Je marche et je pleure, les premières fois ».