C’est sa troisième participation au Meeting et la familiarité avec laquelle il parle de son intervention révèle qu’à Rimini, il a véritablement trouvé une amitié concrète fondée sur l’écoute et sur le respect des différences: «La conférence — explique le secrétaire général de la Ligue musulmane mondiale, Muhammad bin Abdul Karim Al-Issa — s’est concentrée sur le livre de don Giussani Le sens religieux. J’ai parlé de ce texte très important, qui donne une inspiration et dans lequel don Giussani a réussi à réunir foi et raison. Je dois ma connaissance de la communauté chrétienne qui se réunit à Rimini aux rencontres avec des intellectuels ici, en Italie, mais surtout à l’amitié avec le cardinal Tauran. Nous avions de nombreuses choses en commun: les valeurs de la miséricorde, de la tolérance, le respect des autres et la volonté de bâtir des ponts. Ce sont des valeurs très importantes. Nous croyons tous dans la coalition de la civilisation. Nous sommes contraires à toute méthode de haine et nous voulons renforcer l’amitié entre les peuples et les communautés».
Impliquer les jeunes et pas seulement eux dans ces thèmes apparaît aujourd’hui plus que jamais urgent: «C’est vrai, et nous pensons apporter l’expérience de Rimini à Riyad, où nous pourrions faire quelque chose de semblable au Meeting». Pour Al-Issa, il existe une urgence éducative, comme don Giussani lui-même l’avait révélé. Et il n’a pas de doute quant à la façon de répondre au problème: «Nous pouvons le faire à travers deux choses: la famille et l’éducation. La famille est une source d’inspiration en premier lieu pour les enfants, mais aussi pour les jeunes. L’éducation a besoin d’écoles qui aient des programmes d’étude qui travaillent sur la formation des étudiants de façon correcte et d’enseignants capables. Les programmes doivent prévoir un échange, un dialogue réciproque entre professeurs et étudiants, pour former la mentalité des enfants. En outre, les échanges de visites entre étudiants de diverses cultures sont importants, afin qu’ils puissent se connaître dans leur réalité. Et également faire raconter aux enfants devant les médias dans quelle mesure ces
expériences ont été utiles. Nous devons réfléchir — souligne-t-il — à l’importance et à l’efficacité de ces programmes pour la formation des jeunes à l’école. Je suis convaincu que la matière la plus importante est la pensée critique».
La Ligue musulmane mondiale s’est engagée à travailler sur ce point également: «En tant qu’organisation internationale non gouvernementale, nous donnons des suggestions et nous promouvons des initiatives, nous réunissons les jeunes lors de congrès avec des intellectuels et des scientifiques. Les universités, les écoles, ne sont pas sous notre autorité, mais nous donnons des conseils et nous travaillons depuis toujours également pour la paix qui se construit à travers l’éducation et la connaissance réciproque». En mai s’est tenu dans la capitale de l’Arabie saoudite le premier Forum sur les valeurs communes entre fidèles des religions. Parmi les participants figuraient le cardinal-secrétaire d’Etat Pietro Parolin, le patriarche œcuménique Bartholomée, le rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, et celui de Florence, Joseph Levi, l’archevêque Ivan Zoria, de l’Eglise orthodoxe ukrainienne. Le Forum s’est conclu par une Déclaration sur les valeurs humaines commues. «J’ai fortement désiré ce Forum qui a réuni de nombreux responsables religieux de divers pays et qui, pour la première fois, s’est tenu à Riyad. Le royaume de l’Arabie saoudite représente la terre la plus sacrée pour tous les musulmans et cela comporte déjà des messages très forts pour le monde islamique tout entier. Parmi les plus importants, précisément, le renforcement de l’amitié humaine. Accepter les autres est une chose naturelle qui existe depuis l’aube de l’humanité. Les gens, les peuples, peuvent être différents, mais ils peuvent aussi s’aimer, se respecter et collaborer les uns avec les autres. Les divergences ne signifient pas éloignement. Dans la déclaration finale sur les valeurs humaines communes sont également fixés des objectifs précis comme celui d’instituer un Forum international diplomatique pour la paix: nous sommes déjà au travail pour le réaliser. La diplomatie religieuse est très importante, surtout pour renforcer la paix et l’harmonie. Les religions resteront toujours une source de force. La déclaration a recommandé en outre de réaliser la première encyclopédie mondiale des valeurs humaines communes entre les religions et a demandé à l’onu de consacrer une journée internationale au thème. Nous pouvons dire en synthèse que le Forum a établi le principe du respect de toutes les religions, les pensées, les idées, les ethnies. A propos des divergences, celles-ci doivent être un point de force: faisons des alliances, collaborons, aimons-nous, travaillons sur les choses communes, mais chacun avec sa propre identité, sa propre religion. Amis dans la diversité».
La fraternité est un thème très important pour Al-Issa, surtout face aux grands défis actuels: «En tant que fils d’Adam, nous sommes tous frères, croyants et non-croyants, parce que nous avons le même père et la même mère. Mais nous avons aussi la responsabilité de rendre concrète cette fraternité qui signifie amour, respect, miséricorde et aussi tolérance de l’autre. Dans le même temps, nous devons être conscients des défis qui se présentent à nous et qui concernent la foi et les valeurs. L’être humain est libre de croire ou pas, mais il ne doit jamais manquer de respect, dire du mal des croyants, et inviter à la haine contre eux. Et les intérêts économiques ne sont pas des valeurs positives s’ils sont au détriment de la justice et de la paix, de même que les rivalités politiques qui présentent des discours extrémistes qui manquent de respect pour les autres en vue de recueillir un consensus. Je ne parle pas d’une certaine religion ou d’une certaine culture, je parle des valeurs humaines communes. Pour cela, je le répète, la famille et l’éducation sont des facteurs importants. Tels sont les principaux défis qui se présentent à nous. Le monde doit être solidaire, uni contre ces défis. La famille, l’éducation, les responsables religieux, les médias, les réseaux sociaux, les organisations des Nations unies, tous, en particulier ces dernières, ont une responsabilité commune et collective, parce que le monde doit vivre en paix. Et cela est la volonté de Dieu».
Cet appel à l’unité rappelle la phrase de François: «Personne ne se sauve seul»: le Pape, affirme-t-il, «est une personne sage et nous l’aimons beaucoup dans le monde islamique».
Pour la première fois, en juillet, Al-Issa a guidé le sermon d’Arafat du jour à l’occasion du pèlerinage à La Mecque: «Des centaines de millions de musulmans dans le monde entier ont suivi le sermon dans les mosquées et dans leurs maisons. L’une des plateformes qui l’a retransmis a été suivie à elle seule par 700 millions de musulmans. Le discours s’est concentré sur la foi, sur la façon de la préserver et de la respecter, sur le renforcement de la signification du sens de l’humanité et de l’amour pour tous».
Le secrétaire de la Ligue mondiale adresse des recommandations aux nombreux musulmans qui vivent en Italie et en Europe: «Il faut respecter la Constitution et les lois des pays où l’on vit, ainsi que la culture du pays. Renforcer le dialogue et la compréhension avec tous et rejeter tout type de conflit. Que chacun œuvre avec fidélité et sincérité, dans la conviction que le respect de la Constitution du pays dans lequel on vit n’est pas contraire à la foi qu’il porte».
Rossella Fabiani