· Cité du Vatican ·

Une lecture des gestes et des paroles de François

Des attitudes incompatibles avec l’Evangile

 Des attitudes incompatibles  avec l’Evangile  FRA-031
26 juillet 2022

Dès le premier rendez-vous de ce voyage, des premières paroles prononcées par François en terre canadienne, est apparu clairement le cœur de son message et les raisons qui l’ont conduit jusqu’ici en dépit des problèmes de déambulation encore évidents. Après avoir prié en silence dans le cimetière des populations autochtones dans l’église de la Vierge des Sept Douleurs, le Pape a parlé au Bear Park Pow-Wow Grounds, face à une délégation de chefs autochtones de la First Nation provenant de tout le pays. «Je suis ici — a-t-il dit — parce que la première étape de ce pèlerinage pénitentiel au milieu de vous est celle de renouveler la demande de pardon et de vous dire, de tout mon cœur, que je suis profondément affligé: je demande pardon pour la manière dont, malheureusement, de nombreux chrétiens ont soutenu la mentalité colonisatrice des puissances qui ont opprimé les peuples autochtones. Je suis affligé. Je demande pardon, en particulier, pour la manière dont de nombreux membres de l'Eglise et des communautés religieuses ont coopéré, même à travers l’indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d'assimilation forcée des gouvernements de l'époque, qui ont abouti au système des écoles résidentielles».

Il s’agissait d’écoles voulues et financées par le gouvernement, mais un grand nombre d’entre elles étaient gérées par les Eglises chrétiennes. Et des milliers d’enfants, arrachés à leurs familles, y ont subi «des abus physiques et verbaux, psychologiques et spirituels». Un grand nombre y ont trouvé la mort, en raison du manque d’hygiène et des maladies.

Il y a un jugement sans équivoque dans les paroles de l’Evêque de Rome, accueilli par les populations autochtones, qui l’ont tant attendu: «Ce que la foi chrétienne nous dit, c'est qu’il s’agissait d’une erreur dévastatrice, incompatible avec l'Evangile de Jésus Christ». Même à l’époque du colonialisme à proprement parler, ainsi que plus tard, lors-que la mentalité coloniale a continué à influencer les politiques et les attitudes, dont les pensionnats ont été un exemple, il était possible de comprendre quelle était la voie évangélique. Même à cette époque, en dépit des conditionnements historiques et culturels, il était possible de discerner, de comprendre que les traditions des autochtones devaient être accueillies, et pas annihilées; que la foi devait être proposée dans le cadre des diverses cultures autochtones, et pas imposée en les détruisant.

Les violences dont les chrétiens ont été responsables tout au long des siècles ont été toutes jugées par le témoignage de Jésus, qui a enseigné à aimer et non à haïr, et qui est resté sans défense sur la croix comme victime innocente, partageant la douleur de toutes les victimes de l’histoire. Même à l’époque où la destruction culturelle et l’assimilation ont été commises, une attitude diverse était donc possible: il suffit de penser aux antiques exemples d’évangélisation respectueuse des cultures originelles, témoignées par les «reducciones» au Paraguay ou à l’attitude du père Matteo Ricci en Chine. C’est pourquoi il est juste de demander pardon, et de le faire — comme nous le montre le Pape — à travers une attitude d’humilité et d’écoute, dans la conscience qu’il existe des blessures que des siècles ne suffisent pas à refermer, comme le démontrent les paroles des peuples autochtones du Canada.

Certes, ce serait une erreur de ne pas tenir compte également du bien qu’ont accompli dans le silence de nombreux hommes et femmes missionnaires tout au long des siècles sur ces terres. Mais l’unique vraie réponse chrétienne à ce qui est arrivé n’est pas celle des distinguo ou de l’analyse historique. Face à qui affirme porter encore vive dans sa chair la douleur pour ce qui s’est passé, qui a perdu ses proches sans même savoir où ils sont enterrés, on ne peut que rester en silence, en priant, en écoutant, en embrassant et en demandant pardon. Comme le Pape âgé, en fauteuil roulant, nous l’enseigne.

Andrea Tornielli