«Je n'ai pas l'intention de renoncer, pas pour le moment». C'est ce qu'a déclaré le Pape François dans une longue interview accordée aux journalistes mexicaines Maria Antonieta Collins et Valentina Alazraki pour la chaîne en continu ViX de Televisa Univision (un conglomérat de médias en langue espagnole). Dans un extrait de l'interview diffusé mardi 12 juillet sur la chaîne YouTube de Univision Noticias, François s'attarde notamment sur son état de santé et sur les rumeurs qui, ces dernières semaines, ont spéculé sur sa renonciation au ministère pétrinien. «En ce moment, je n'ai pas l'impression que le Seigneur me le demande», a déclaré le Pape, «si j'avais l'impression qu'il me le demandait, oui». Il a ensuite qualifié de «coïncidence» le fait qu'il se rendra à L'Aquila, où est enterré Célestin v , lors du prochain consistoire, fin août.
Concernant l'état de son genou, le Pape a souligné que, bien qu'il se sente «limité», «cela s'améliore». Toutefois, a-t-il ajouté, le voyage en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud n'aurait «certainement» pas pu être effectué. Je n'avais pas la force, a-t-il expliqué, mais vingt jours plus tard, il y a ces progrès. Il a ainsi rappelé le «grand exemple donné par Benoît xvi » qui l'aidera à «prendre une décision» si cela s'avère nécessaire. Il a fait part de sa «grande sympathie» pour le Pape émérite, «un homme qui soutient l'Eglise par sa bonté et son retrait» à travers la prière. Et a confié qu'il ressent de la joie chaque fois qu'il lui rend visite au monastère Mater Ecclesiae.
Répondant à une question sur la possibilité de réglementer la figure du Pape émérite, François a noté que «l'histoire elle-même aidera à mieux réglementer», «la première expérience s'est très bien passée», parce que Benoît xvi «est un homme saint et discret». Pour l'avenir, cependant, «il est préférable d’encadrer les choses ou de mieux les expliquer». Ainsi, au sujet de son éventuelle renonciation, il a répondu qu'il n'irait pas en Argentine: «Je suis Evêque de Rome, dans ce cas je serais Evêque émérite de Rome». Et sur la possibilité que, dans ce cas, il reste à Saint-Jean-de-Latran, il a répondu que oui, «cela pourrait être» ainsi.
Le Pape rappelle qu'avant le Conclave, il avait déjà préparé sa retraite en tant qu'archevêque émérite de Buenos Aires. Pour lui, rappelle-t-il, il aurait été fondamental «d'aller se confesser et de visiter les malades». Cela aurait été son «apostolat», son «travail». Se mettre au service du peuple là où on le peut, dit-il, c'est ce à quoi je pensais à Buenos Aires. Un projet, a-t-il ajouté, qui lui plairait s'il survivait à une éventuelle renonciation.
Dans l'interview, diffusée dans son intégralité par Televisa Univision, le Pape n'a pas manqué d'aborder de nombreux autres sujets d'actualité. Parmi ceux-ci, la pandémie, rappelant le moment émouvant de la Statio Orbis du 27 mars 2020. Il a ensuite proposé sa propre réflexion sur la guerre en Ukraine, soulignant que pour lui, il est fondamental de parler «du pays attaqué plutôt que des agresseurs». Il a ensuite confirmé son intention de rencontrer le patriarche russe Kirill en septembre lors de l'événement interreligieux qui se tiendra au Kazakhstan. Evoquant la tragédie de pays ravagés par la violence — tels que le Yémen et la Syrie — il a réaffirmé que nous vivons une «troisième guerre mondiale par morceaux» et que les armes nucléaires «sont immorales», y compris leur possession et pas seulement leur utilisation.
François a réaffirmé sa condamnation de l'avortement, car il est totalement injuste d'éliminer une vie humaine, et cela, a-t-il poursuivi, peut être affirmé «sur la base de données scientifiques» qui ne sont pas négociables. En ce qui concerne la question aux Etats-Unis, après la décision de la Cour suprême d'annuler le jugement sur le droit à l'avortement, le Pape a noté la polarisation présente dans le pays, réitérant que les pasteurs doivent toujours prendre soin de la dimension pastorale, sinon se crée un problème politique. Comment se comporter, dès lors, dans le cas d'un homme d'Etat catholique qui soutient l'avortement, lui a-t-on demandé. «Je le laisse à sa conscience, a dit François, qu’il avec son évêque, avec son pasteur de cette incohérence». Des Etats-Unis, à Cuba, François a exprimé son amour pour le peuple cubain et les évêques du pays. Il a également confié qu'il avait de bonnes relations avec l'ancien président Raúl Castro, se félicitant du rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis sous la présidence Obama.
Le Pape, qui a également évoqué les attentes du prochain voyage au Canada sous le signe du pardon pour le mal commis dans le passé, s'est enfin attardé sur le drame des féminicides, les nouvelles formes d'esclavage et en particulier le fléau de la pédophilie dans l'Eglise. François a rappelé l'impact que les scandales ont eu aux Etats-Unis, citant notamment le Pennsylvania Report. «On a soulevé le couvercle de pandore », a-t-il reconnu, «aujourd'hui l'Eglise est de plus en plus consciente» des abus sexuels, un crime monstrueux. L'Eglise, a-t-il réaffirmé avec force, a la «volonté d'aller de l'avant» et de ne plus être «complice» de ces crimes.