Du point de vue de l’histoire de l’Eglise, et en particulier des missions, la création de la Sacrée Congrégation pour la propagation de la foi, plus connue sous le nom de «de Propaganda Fide» ou simplement de «Propaganda», fut un événement de grande importance.
Bureau central de la Curie romaine depuis 1622, la Congrégation s’est vue confier la responsabilité de diriger les activités missionnaires dans le monde entier.
Après le Concile de Trente (1545-1563), la nécessité d’une nouvelle institution à Rome est apparue comme un instrument aux mains du Pape pour promouvoir la réforme interne de l’Eglise dans les pays européens, dont certains s’étaient tournés vers le protestantisme, et pour reconquérir les territoires perdus partout où cela était possible. Elle devait également contribuer à favoriser des relations étroites avec l’Eglise orthodoxe. En plus de tout cela, elle devait être chargée de diffuser la foi catholique en Amérique, en Asie et en Afrique.
Cependant, il y avait encore d’autres facteurs qui rendaient nécessaire une congrégation missionnaire dans la Curie romaine. La même situation ecclésiastique et politique au début du xvii e siècle a également contribué à la création d’un bureau central. En particulier, l’administration des missions sur la base du système de patronage requérait une attention urgente. Cette pratique devait être abolie et remplacée par un autre système qui assurerait mieux la promotion des activités d’évangélisation et permettrait aux missionnaires de gagner le cœur et l’esprit des populations locales.
La réforme était également nécessaire et urgente pour créer une action plus unie et concertée. Le nombre croissant de missionnaires de différents instituts religieux et de membres du clergé séculier engagés dans la propagation de la foi exigeait une telle approche unifiée.
Le bref pontificat de Grégoire xv (1621-1623) a été très important pour la renaissance catholique. En tant que premier Pape formé par les jésuites, il a cherché non seulement à poursuivre le renouveau interne de l’Eglise, mais aussi à récupérer le terrain qu’elle avait perdu. En 1622, il établit la Sacrée Congrégation pour la Propagation afin de doter l’Eglise d’une autorité centrale suprême couvrant l’ensemble du champ missionnaire. Le concept qui sous-tendait ce bureau était que le Pape, en tant que pasteur universel des âmes, avait la responsabilité absolue de diffuser la foi. La Congrégation devait donc coordonner et guider l’activité missionnaire de l’Eglise, jusqu’alors contrôlée par les souverains catholiques d’Espagne et du Portugal. L’institution de la Propagande était donc un acte qui devait assurer au pontificat de Grégoire xv une place durable dans l’histoire et amorcer une nouvelle ère dans l’histoire des missions à l’époque moderne.
Le Pape Ludovisi créa la nouvelle Congrégation le 6 janvier 1622. Le choix de la solennité de l’Epiphanie, antique mémorial de l’appel des païens au Royaume du Christ et à ses enseignements, est révélateur de ce qui a été considéré comme la tâche principale de la Congrégation. En même temps, elle fait référence au mandat missionnaire du Christ (Mt 28, 18-20) et à la responsabilité pastorale du Pape envers tous les peuples.
La constitution apostolique Inscrutabili divinae du 22 juin 1622, a tout d’abord pleinement revendiqué le devoir et le droit du Pape de diffuser la foi comme la tâche principale du rôle papal en tant que pasteur des âmes.
L’accent mis sur l’élément pastoral est frappant. Il est fait référence à plusieurs reprises aux devoirs pastoraux du Pape, dont l’un est de guider ceux qui sont à l’extérieur afin qu’ils entrent dans l’enclos du Christ. Les personnes extérieures comprenaient les chrétiens séparés par le schisme ou l’hérésie, ain-si que les infidèles. De même que le Christ avait tout fait pour le salut des hommes, de même le Pape devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour conduire les hommes à l’Eglise.
Par conséquent, l’ensemble du système missionnaire devait être subordonné à l’autorité centrale romaine. Tous les missionnaires devaient en dépendre de la manière la plus directe possible et devaient être envoyés en mission. Les méthodes devaient être réglementées, et le bureau devait attribuer des domaines de mission.
La deuxième partie de la constitution concernait l’érection canonique solennelle de la nouvelle Congrégation. Ensuite, suivait l’ordre des travaux. Le Pape érigea la Congrégation, composée de 13 cardinaux, de deux prélats et d’un secrétaire, à qui il confia et recommanda les affaires de la propagation de la foi.
Grégoire xv pris les précautions nécessaires pour asseoir cette nouvelle institution sur des bases solides, en accordant davantage de faveurs et de privilèges. Sous ce dicastère, le travail missionnaire a reçu un nouvel élan. Les compétences étaient très larges, englobant toutes les questions liées à l’activité missionnaire.
La centralisation de ces dernières sous un seul dicastère a eu de nombreux avantages, notamment parce qu’elle a assuré une meilleure coordination des travaux. L’assistance spirituelle et matérielle pouvait être réalisée de manière harmonieuse, en tenant dûment compte de la situation globale des besoins des territoires de mission.
Le successeur de Grégoire xv , Urbain viii (1623-1644), a fortement soutenu le progrès des missions en créant une imprimerie polyglotte (1626). Il a également fondé le Collège urbanien de Rome (1627) pour former des missionnaires et les envoyer notamment dans le lointain Orient.
Mgr Francesco Ingoli, originaire de Ravenne (1578-1649) fut nommé premier secrétaire et s’est vu confier l’immense tâche de jeter les bases d’un fonc-tionnement efficace. Avec beaucoup de zèle, il a guidé pendant 27 ans les activités de cette jeune Congrégation à travers diverses initiatives.
Le palais qui abrite aujourd’hui les bureaux de la Congrégation n’a pas une structure unique et unifiée, et cela, parce qu’il est composé de plusieurs bâtiments construits à différentes époques et par différents architectes. Le cœur central est constitué par le palais construit Place d’Espagne au xvi e siècle par le cardinal Ferratini , qui s’appelait alors Place Trinité-des-Monts. Mgr Juan Bautista Vives (1545-1632), originaire de Valence, en Espagne, acheta le palais aux héritiers du cardinal en 1613 et, après plusieurs procès, en pris possession en 1625, en en faisant don à la Congrégation. On lui confiera en 1626 la fondation et la direction du Collège urbanien. Puis, en 1633, le quartier général de la Sacrée Congrégation fut établi à son emplacement actuel.
Entre 1639 et 1646, l’aile orientale du palais fut construite par l’architecte Gaspare de Vecchi. En même temps, d’importants travaux de consolidation furent réalisés au Palazzo Ferratini. C’est Gian Lorenzo Bernini qui a donné au bâtiment sa nouvelle façade actuelle en 1644.
Sous le pontificat d’Innocent x , Francesco Borromini, nommé architecte de la Congrégation en 1646, projeta et construisit le nouveau Collège urbain avec sa façade monumentale Via di Propaganda, ainsi que la nouvelle chapelle qui remplace l’oratoire du Bernin. Pour diverses raisons, les travaux durèrent environ vingt ans et furent achevés en 1665, sous le pontificat d’Alexandre vii .
La Sacrée Congrégation «de Propaganda Fide» a été transformée en Congrégation pour l’Evangélisation des peuples ou «de Propaganda Fide» avec la constitution apostolique Regimi ecclesiae universae de 1967, puis simplement en Congrégation pour l’Evangélisation des peuples avec la constitution apostolique Pastor Bonus de 1988. Avec la réforme introduite par la constitution apostolique Praedicate Evangelium de 2022, elle s’appelle désormais Dicastère pour l’Evangélisation, section pour la première évangélisation et les nouvelles Eglises particulières.
Camillus Johnpillai
Chef de bureau, Dicastère pour l’évangélisation