«Dans l’actuelle guerre en Ukraine, nous assistons à l’impuissance de l’Organisation des Nations unies». Les paroles du Pape François lors de l’audience générale du 7 avril, ont eu un ample écho. Mais les paroles qui ont immédiatement précédé cette affirmation ne sont toutefois pas moins importantes. Elles sont même le présupposé de cette amère constatation: «Après la Seconde guerre mondiale, l’on a tenté de jeter les bases d’une nouvelle histoire de paix, mais malheureusement — nous n’apprenons pas — s’est perpétuée la vieille histoire des grandes puissances concurrentes». Le Pape François est convaincu du rôle des Nations unies et de la valeur du multilatéralisme. Une conviction qui est aujourd’hui encore plus forte dans ce «tournant historique» que nous vivons à la recherche difficile d’un nouvel horizon de coexistence pour l’humanité. Dans le sillage de ses prédécesseurs — et en particulier de Paul vi , Jean-Paul ii et Benoît xvi — François a multiplié les gestes et les paroles de soutien aux Nations unies en encourageant un processus de réforme qui est demandé en particulier par les pays, par les peuples qui subissent le plus les con-séquences de cette impuissance à laquelle le Pape fait référence.
En parlant le 25 septembre 2015 à l’assemblée générale de l’onu, le Pape affirmait déjà que «la réforme et l’adaptation aux temps est toujours nécessaire, progressant vers l’objectif ultime d’accorder à tous les peuples, sans exception, une participation et une incidence réelle et équitable dans les décisions». Dès les pre-mières années de son pontificat, il soulignait ainsi le thème de la «nécessité de plus d’équité», en particulier «pour les corps dotés d’une capacité d’exécution effective, comme c’est le cas du Conseil de Sécurité, des Organismes financiers et des groupes ou mécanismes spécialement créés pour affronter les crises économiques». Et il concluait son discours au Palais de verre en réitérant la nécessité d’un renforcement de l’onu. «La louable construction juridique internationale de l’Organisation des Nations unies», observait-il, «peut être le gage d’un avenir sûr et heureux pour les futures générations. Et elle le sera si les représentants des Etats sauront laisser de côté des intérêts sectoriels et idéologiques, et chercher sincèrement le service du bien commun. Des concepts réitérés en novembre de la même année au siège des Nations unies de Nairobi.
En ce qui concerne l’engagement en vue de la sauvegarde de la maison commune, la solution pacifique des controverses internationales ou un développement économique centré sur les personnes et les peuples, le Pape et le Saint-Siège considèrent l’Organisation des Nations unies comme le forum international le plus adapté pour trouver un point de convergence entre des instances et des intérêts différents. En décembre 2019, dans un message vidéo conjoint, le Pape et le secrétaire général de l’onu, António Guterres, répétait que «la confiance dans le dialogue entre les personnes et entre les pays, dans le multilatéralisme, dans le rôle des organisations internationales, dans la diplomatie en tant qu’instrument de compréhension et d’entente, est indispensable pour construire un monde pacifique». Quelques mois plus tard, se déclenchait la pandémie de Covid-19, rendant encore plus indispensable, si besoin était, d’investir dans le multilatéralisme, de la conscience de se trouver tous sur la même barque de l’humanité. «La pandémie — observait-il dans un message vidéo pour le 75e anniversaire de fondation de l’onu, le 25 septembre 2020 — nous a montré que nous ne pouvons pas vivre sans l’autre, ou pire encore, les uns contre les autres. Les Nations unies ont été créées pour unir les nations, pour les rapprocher, comme un pont entre les peuples». Et à travers des paroles qui correspondent bien à ce qu’il a dit à l’audience générale du 7 avril, il ajoutait que «notre monde en conflit a besoin que l’onu devienne un atelier pour la paix de plus en plus efficace, ce qui exige que les membres du Conseil de Sécurité, spécialement les membres permanents, agissent dans une plus grande unité et avec détermination».
De façon significative, la réforme des Nations unies trouve une place également dans l’encyclique Fratelli tutti. François consacre un paragraphe entier à ce thème, le n. 173. (Jean xxiii avait consacré le paragraphe 75 de Pacem in terris à l’onu). Pour le Pape, cette réforme est nécessaire «en vue de donner une réalité concrète au concept de famille des Nations». Il faut assurer, il en est certains, «l’incontestable état de droit et le recours inlassable à la négociation, aux bons offices et à l’arbitrage». Avec un sentiment qui l’a conduit également à prononcer les paroles d’hier, il ressent en outre qu’«il est à éviter que cette Organisation soit délégitimée, parce que ses problèmes ou ses insuffisances peuvent être affrontés ou résolus dans la concertation». Les Nations unies n’existent donc pas, semble nous suggérer le Pape, si les nations ne sont pas unies, concordes pour rechercher courageusement le chemin de l’entente. Que ce soit la fin d’une guerre, les brevets sur les vaccins ou la lutte contre le réchauffement de la planète, chacun doit être disposé à «perdre» un peu, afin que tous puissent gagner ensemble. C’est le défi le plus important qui est en jeu: l’avenir de l’humanité.
Alessandro Gisotti