A Malte le vent souffle fort. Ce n’est pas par hasard que dans les anciennes cartes, la rose des vents était placée précisément à la hauteur de cette petite île au cœur de la Méditerranée. C’est ce que nous avons pu lire dans l’or italien du vendredi 1er avril, qui introduisait le voyage du Pape et nous rappelait que les noms mêmes des vents principaux sont tirés de la position de l’île: le Libeccio, qui vient de Libye, le Scirocco, de la Syrie, le Grec, et ainsi de suite... Au cours de ces deux jours de voyage, les vents ont été cléments, présents mais légers, doux, démentant également les prévisions météo. Et pourtant, ce furent des journées «pleines de vent», des vents divers, et même opposés.
Il y a le vent de la joie et de l’accueil, le vent qui a conduit le Pape avec sa visite. François a rappelé avant tout la joie qui est à la fois moteur et objectif du chemin de l’Eglise, en répétant au moins sept fois, dans son discours improvisé devant le sanctuaire de Ta’ Pinu, sur l’île maltaise de Gozo, la joie qui pour l’Eglise est entièrement contenue dans l’évangélisation. Ce faisant, le Pape, rapportant tout à l’essence même de l’aventure chrétienne, retourne à Evangelii gaudium, l’exhortation de novembre 2013, vrai texte base de son pontificat.
A ce souffle de joie, le peuple maltais a répondu par le «vent» de l’accueil, cet esprit de «rare humanité» dont parlent les Actes des apôtres, en rapportant le naufrage de saint Paul précisément sur les côtes de l’île. Cette «rare», c’est-à-dire exquise, précieuse humanité, a été choisie comme expression symbolique de tout le voyage et est souvent revenue dans les discours du Pape, et en particulier, évidemment, dans le dernier, prononcé au Centre pour migrants «Jean xxiii Peace Lab». En particulier, le Pape a parlé de cette «rare humanité» comme «style» qui distingue précisément les êtres humains qui sont toujours, quelle que soit la situation dans laquelle ils se trouvent, dotés d’une dignité indélébile: «C’est de là que nous pouvons et devons recommencer: à partir des personnes et de leur dignité. Ne nous laissons pas tromper par ceux qui disent: “il n’y a rien à faire”, “ces problèmes nous dépassent”, “je m’occupe de mes affaires et que les autres s’arrangent”. Non. Ne tombons pas dans ce piège. Répondons au défi des migrants et des réfugiés avec le style de l’humanité, allumons des feux de fraternité, autour desquels les gens pourront se réchauffer, se relever, reprendre espérance».
Mais il y a un autre vent qui a soufflé au cours de ces deux jours à Malte, le vent du nord, celui transporté par les terribles moments que le monde vit. Au cœur de la Méditerranée, sur l’île de la rare humanité, est arrivé le vent de tempête qui souffle du cœur de l’Europe transpercé par la guerre «injuste et sacrilège» qui baigne de sang la terre ukrainienne. C’est un vent mauvais, c’est «l’esprit de Caïn», comme l’a défini le Pape au cours de la brève mais in-tense conférence de presse sur le vol de retour en avion: «La guerre est toujours une cruauté, une chose inhumaine, qui va contre l’esprit humain, je ne dis pas chrétien, mais humain. C’est l’esprit de Caïn». Un esprit qui semble séduire l’homme qui finit toujours par tomber dans cette fascination, en en étant hypnotisé et pris au piège: «Mais nous sommes têtus comme humanité. Nous sommes amoureux des guerres, de l’esprit de Caïn. Ce n’est pas par hasard, qu’au début de la Bible, il y a ce problème: l’esprit “de Caïn” de tuer, au lieu de l’esprit de paix».
De nombreux vents, allant dans diverses directions, mais au cours de ces deux jours à Malte, il y a eu un moment où le vent a semblé se calmer; un bref moment dans la matinée du dimanche, dans un lieu caché, sous terre, quand le Pape a visité la grotte de saint Paul sous la grande basilique dédiée à l’apôtre. Cela a été un moment de silence orant, le sommet du voyage apostolique, bien contenu dans les paroles de la prière que le Pape a voulu réciter dans ce petit lieu isolé: «Sauvés du naufrage, saint Paul et ses compagnons de voyage ont trouvé ici pour les accueillir des païens au grand cœur, qui les ont traités avec une rare humanité. […] Il n’y avait pas de temps pour les discussions, pour les jugements, les analyses et les calculs: car il fallait maintenant leur prêter secours. Ils ont quitté leurs occupations, et ainsi ont-ils fait. […] Père très bon, accorde-nous la grâce d’un bon cœur qui batte pour l’amour de nos frères». Voilà un autre «vent» encore, un esprit vital qui anime le cœur et donne un battement, une palpitation. C’est cette brise qui souffle comme un léger murmure qu’a connue le prophète Elie dans la théophanie du mont Horeb, une brise qui était là présente et qu’a pu ressentir, également en ces quelques instants de prière vécus par le Pape dans la grotte où le naufragé a trouvé un «port sûr», le cœur d’un peuple qui a répondu avec le style de l’humanité (andrea monda).
Andrea Monda