CONGO
Cet article a été publié sur le numéro de janvier 2019
Les femmes des pays du Tiers-Monde trouvent sans aucun doute dans l'Eglise une possibilité d'instruction et de préparation professionnelle unique et très importante, en différents lieux. Et cette possibilité concerne naturellement aussi celles qui choisissent la vie religieuse, choix qui mûrit dans les écoles qu'elles fréquentent, gérées par des sœurs. Cet accès à l'instruction est une opportunité importante, que l'on peut même définir comme une exigence due à la mission même de la femme. Une mission valable à plus forte raison pour les religieuses appelées à servir dans le monde entier, qui ont le droit et le devoir d’être bien formées, bien préparées pour accomplir le service qui leur est demandé. Mais malheureusement l'iter scolaire de préparation des religieuses est vraiment insuffisant : seulement trois ans de formation à la vie consacrée, et pour beaucoup, l'étude s’arrête là, avec la conséquence évidente que leur destination deviendra celle des services domestiques, des travaux de peine. Puis il y a celles qui réussissent à poursuivre grâce à des bourses d'étude et qui perfectionnent leurs études, en général à Rome. Deux catégories distinguent ces dernières : celles qui ont reçu des bourses d'étude et sont hôtes de collèges annexes aux universités et celles qui ont leur maison-mère en occident et sont envoyées là pour étudier. Sur ces dernières, incombe l'obligation d’étudier et de fréquenter les cours sans suspendre leur vie de service, le travail manuel auquel l'institut d'appartenance les destine. Dans l'ensemble, toutefois, les bourses d’étude concèdent aux religieuses un temps d'étude trop bref pour la préparation, qui ne prend pas en compte le temps nécessaire pour apprendre la langue dans laquelle se déroulent les leçons et l'acclimatation nécessaire face à de nouvelles matières et nouvelles méthodes d’étude, temps qui en revanche est habituellement concédé aux prêtres et aux séminaristes, qui en outre ne sont pas soumis à l'obligation des travaux domestiques. En substance, il s'agit d'une offre d’étude de nature franchement inférieure par rapport à celle dont bénéficie les hommes, comme si l'instruction des femmes était une question facultative et secondaire.
Mais les temps ont changé, les femmes souhaitent assumer des postes de direction comme les hommes, parce qu'elles savent avoir été créées à l'image et à la ressemblance de Dieu. Les religieuses qui vivent dans leur communauté doivent avoir du temps à disposition pour l'étude et être libres d’établir des programmes et des projets, parce que l'étude est un temps de préparation pour le service à l'Eglise. Plus nous avons de religieuses bien formées plus nous pouvons mieux accomplir notre service. Elles sont bien conscientes que les trois ans de formation à la vie consacrée ne suffisent pas et ne peuvent suffire pour comprendre ce qu'est le service à l'Eglise, comment il doit être effectué et la raison pour laquelle on le fait.
Notre urgence n'est pas d'occuper des postes, mais bien de former des personnes capables de donner le meilleur d'elles-mêmes, parce que l'on ne peut pas donner aux autres ce que l'on n'a pas, comme dit le proverbe italien : « Le tonneau donne le vin qu'il a ». Il faut donner aux consacrées le temps et les moyens pour bien étudier ; de cette manière elles auront la possibilité de se connaître et de développer l'estime de soi, pour pouvoir apprécier aussi les bonnes qualités des autres, être exigeantes avec elles-mêmes avant de l’être avec les autres, être dans le même temps objectives et compréhensives. Celle qui ne se connaît pas suffisamment ou qui n'a pas d'estime de soi, vit sous l'influence de la peur : peur de ne pas se connaître, peur de sa responsabilité et peur de la liberté des autres. En un mot, peur de soi-même et de son vide intérieur. Cette insécurité personnelle n'aide pas la religieuse dans son apostolat, et plus encore la conduit presque inévitablement à assumer des attitudes rigides, sévères, rigoureuses et inflexibles avec les autres.
Ce sont des choses connues, mais je les répète parce que trop souvent les études d'une religieuse sont perçues comme du temps perdu, comme si la religieuse, en étudiant, perdait le sens de l’obéissance et de l'humilité. Malheureusement cela est l'opinion que de nombreuses personnes ont des sœurs qui étudient, parce qu'elles croient que la religieuse après ses études se monte la tête. Mais moi, dans ma petite expérience, je peux affirmer que l’étude m'aide à comprendre le sens plus profond du service, à percevoir les difficultés des autres. Je remercie donc beaucoup ma supérieure qui m'a donné cette possibilité. On ne peut pas tellement prôner l'aspect de Jésus serviteur, en oubliant ce même Jésus maître qui enseignait dans le temple. Cela pour dire qu'il y a aussi ce que l'on pourrait appeler l'apostolat et le service intellectuel.
Nous demandons avant tout à la mère Eglise qu'elle s'engage beaucoup pour la formation des religieuses : des sœurs capables d’opérer des choix radicaux pour le Christ et pour la dignité de la femme. Former des religieuses combattantes qui ont le courage de dénoncer et dire non aux anti-valeurs, qui humilient la femme et appauvrissent le sens et la valeur de la consécration religieuse. L'Eglise a besoin de religieuses qui peuvent exercer un service intellectuel à tous les niveaux pour redécouvrir la valeur authentique du service.
Rita Mboshu Kongo
Filles de la Très Sainte Marie corédemptrice