L’information sur la pandémie doit rapprocher et non pas éloigner: c’est ce qu’a dit le Pape François dans le discours aux participants à la rencontre promue par le Consortium international de médias catholiques «Catholic fact-checking», reçus en audience dans la matinée du vendredi 28 janvier dans la salle Clémentine.
Chers amis, soyez les bienvenus!
Je vous accueille aujourd’hui pour réfléchir avec vous sur la problématique de la communication, en particulier sur le style des communicateurs chrétiens face à certaines questions liées à la pandémie de covid-19. Je remercie M. Montagne pour son introduction et je vous salue tous de tout cœur.
Saint Paul vi, dans son message pour les communications sociales de 1972, affirmait déjà: «L’homme d’aujourd’hui peut le reconnaître aisément: dans nombre de ses attitudes, jugements et prises de position, de ses adhésions ou oppositions, il est tributaire des modes de pensée et de comportement que lui proposent journellement les moyens de communication sociale». Il observait encore: «La noblesse de la tâche assumée par l’informateur qui, non content de relever ce qui est directement observable à propos de chaque événement à signaler, se préoccupe encore de connaître le contexte et les éléments d’explication concernant les causes et les circonstances». Cette tâche exige donc une rigueur dans la méthode — précisait Paul vi — «pour le contrôle et l’évaluation critique des sources, pour la fidélité aux données recueillies, pour leur transmission intégrale. La res-ponsabilité du communicateur est encore plus engagée lorsque, à la simple relation des faits, il doit, ce qui n’est pas rare, ajouter des éléments de jugement et d’orientation». Il y a un an, j’ai lu une étude intéressante sur la façon dont le contenu d’un récit change selon l’attention de l’auteur pour ce qu’il transmet. C’est intéressant. Elle a été faite par un professeur, Simone Paganini, de l’université d’Aix-la-Chapelle: il est intéressant de voir la façon dont il étudie ce problème du changement de contenu dans la transmission d’une information.
Le Pape Montini parlait de la communication et de l’information en général, mais ses paroles apparaissent plus que jamais conformes à la réalité si nous pensons à une certaine désinformation qui circule sur internet de nos jours. En effet, vous vous proposez précisément de souligner les fake news et les informations partielles ou trompeuses sur les vaccins contre le covid-19, et vous avez commencé à le faire en mettant en ligne divers médias catholiques et en faisant appel à divers experts. Votre initiative naît comme un consortium qui se propose d’être ensemble pour la vérité. Et merci, merci pour cela.
Avant tout ensemble. Cela est fondamental, également dans le domaine de l’information. Faire réseau, mettre en commun des capacités, des connaissances, des contributions pour pouvoir informer de manière adéquate représente déjà en soi un premier témoignage. A une époque blessée par la pandémie et par de nombreuses divisions — notamment dans les opinions — le fait de rester en réseau en tant que communicateurs chrétiens est déjà un message. Le point de départ est un message.
Nous ne pouvons pas nous cacher qu’en ces temps, outre la pandémie se diffuse également l’«infodémie», c’est-à-dire la déformation de la réalité fondée sur la peur, qui, dans la société mondiale, fait retentir les échos et les commentaires sur des nouvelles falsifiées, voire inventées. A ce climat peut contribuer, souvent inconsciemment, également la multiplication et la superposition d’informations, de commentaires et d’opinions soi-disant «scientifiques», qui finissent par engendrer la confusion chez le lecteur ou chez l’auditeur.
Il est donc important d’être en réseau et de s’allier avec la recherche scientifique sur les maladies, qui progresse et nous permet de mieux les combattre. «Le savoir doit être partagé, les compétences doivent être trans-mises, la science doit être mise en commun» (Discours à la Biomedical University Foundation de l’Università Campus Biomedico, 18 octobre 2021). Cela vaut aussi pour les vaccins: «Il est urgent d’aider les pays qui en ont le moins, mais il faut le faire à travers des programmes clairvoyants, non pas motivés uniquement par la hâte des pays riches d’être en sécurité. Les médicaments doivent être distribués avec dignité, s’il vous plaît, pas comme des aumônes mues par la pitié. Pour faire véritablement le bien, il faut promouvoir la science et son application intégrale» (ibid.). C’est pourquoi être correctement informés, être aidés à comprendre sur la base des données scientifiques et non des fake news est un droit humain. La correcte information doit être garantie en particulier à ceux qui ont le moins de moyens, aux plus faibles, à ceux qui sont le plus vulnérables.
Le deuxième mot, après ensemble, est: pour: ensemble pour. Il s’agit d’un mot très court, mais révélateur: il nous rappelle que, en tant que chrétiens, nous sommes contre les injustices et les mensonges, mais toujours pour les personnes. Même si l’objectif de votre consortium est de combattre la désinformation, de lutter contre les fake news, et la manipulation des consciences des plus faibles, nous ne devons pas oublier la distinction fondamentale entre les nouvelles et les personnes. Il faut lutter contre les fake news, mais les personnes qui y -adhèrent, souvent sans être pleinement averties et responsables, doivent toujours être respectées. Le communicateur chrétien fait sien le style évangélique, construit des ponts, est artisan de paix également et surtout dans la recherche de la vérité. Son approche n’est pas celle d’une opposition aux personnes, il n’assume pas des attitudes de supériorité, il ne simplifie pas la réalité pour ne pas tomber dans un fidéisme de type scientifique. En effet, la science elle-même est une approche constante de la solution des problèmes. La réalité est toujours plus complexe que ce que nous croyons et nous devons respecter les doutes, les angoisses, les questions des personnes, en cherchant à les accompagner sans jamais les traiter avec suffisance. Dialoguer avec ceux qui ont des doutes.
En tant que chrétiens, nous devons être les premiers à éviter la logique de l’opposition et de la simplification, en cherchant toujours à rapprocher, à accompagner, à répondre de façon calme et raisonnée aux questions et aux objections. Efforçons-nous d’œuvrer en vue d’une information correcte et vraie sur le covid-19 et sur les vaccins, sans jamais creuser de fossés, sans enfermer dans des ghettos. La pandémie nous invite à ouvrir les yeux sur ce qui est essentiel, sur ce qui vaut véritablement, sur la nécessité de nous sauver ensemble. Efforçons-nous donc d’être ensemble pour et jamais contre. Ensemble pour. Et rappelons-nous que l’accès aux vaccins et aux soins doit être garanti à tous, également aux plus pauvres: nous guérirons si nous guérissons ensemble. A ce propos, je voudrais souligner une chose que j’ai toujours dite: on ne sort pas seuls d’une crise; on en sort ensemble, ou bien personne n’en sort. Nous n’en sortirons pas pareils: nous en sortirons meilleurs ou pires. Car la crise nous met en difficulté et il faut trouver des solutions. Mais le pro-blème — c’est un piège psychologique — est quand la crise se transforme en conflit et le conflit ne se résout pas uniquement par la «guerre», par les distances, par les oppositions, et cela signifie revenir toujours en arrière et ne pas faire avancer le dialogue, l’ensemble. Il ne faut jamais faire en sorte qu’une crise devienne un conflit. Non, c’est une crise. Nous sommes en crise, efforçons-nous d’en sortir ensemble.
Enfin, ma dernière brève réflexion porte sur le mot vérité. Ne nous lassons pas de vérifier les nouvelles, de présenter de façon adéquate les informations, d’être nous-mêmes toujours en recherche. La recherche de la vérité ne peut être soumise à une optique commerciale, aux intérêts des puissants, aux grands intérêts économiques. Non. Etre ensemble pour la vérité signifie également chercher un antidote aux algorithmes projetés pour maximiser les profits commerciaux, cela signifie promouvoir une société informée, juste, saine et durable. Sans une éthique correcte, ces instruments engendrent des contextes d’extrémisme et poussent les personnes vers des radicalisations dangereuses — et cela est le conflit.
L’antidote contre tout type de falsification consiste à se laisser purifier par la vérité. C’est vrai, la vérité purifie. Pour le chrétien, la vérité n’est jamais seulement un concept concernant le jugement sur les choses, non, cela n’est qu’une partie de la vérité. La vérité concerne la vie tout en-tière. «Dans la Bible, [elle] porte en soi le sens de soutien, de solidité, de confiance [...]. La vérité est ce sur quoi l’on peut s’appuyer pour ne pas tomber. Dans ce sens relationnel, le seul vraiment fiable et digne de confiance, sur lequel on peut compter, et qui est “vrai”, est le Dieu vivant. Et c’est l'affirmation de Jésus: “Je suis la vérité” (Jn 14, 6). L'homme, alors, découvre et redécouvre la vérité quand il en fait l’expérience en lui-même comme fidélité et fiabilité de celui qui l'aime» (Message pour la 52e journée des communications sociales 2018). Travailler au service de la vérité signifie donc chercher ce qui favorise la communion et promouvoir le bien de tous, et non pas ce qui isole, divise et oppose. Pas ce qui nous conduit au conflit.
Frères et sœurs, dans nos prières, souvenons-nous toujours des victimes de la pandémie et de leurs familles. Et souvenons-nous aussi de ceux qui, sans avoir le virus, sont morts au service des personnes malades. Ce sont les héros de ces jours, tant de héros cachés. A vous et à vos collaborateurs, je souhaite un bon travail et je vous bénis de tout cœur. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci!