Chers frères et sœurs, bonjour!
Nous poursuivons notre parcours de réflexion sur saint Joseph. Après avoir illustré le milieu dans lequel il a vécu, son rôle dans l’histoire du salut et le fait qu’il soit juste et l’époux de Marie, aujourd’hui je voudrais examiner un autre aspect important de sa figure: le silence. Tant de fois aujourd’hui, nous avons besoin de silence. Le silence est important. Je suis frappé par un verset du Livre de la Sagesse qui a été lu dans la perspective de Noël et qui dit: «Quand la nuit était dans le plus profond silence, là ta parole est descendue sur la terre». Dieu s’est manifesté au moment le plus silencieux. C’est important de réfléchir au silence à notre époque où il semble avoir si peu de valeur.
Les évangiles ne rapportent aucune parole de Joseph de Nazareth, rien, il ne parlait jamais. Cela ne signifie pas qu’il était taciturne, non, il y a une raison plus profonde. Non, il y a une raison plus profonde: par son silence, Joseph confirme ce que saint Augustin a écrit: «A mesure que grandit en nous le Verbe — le Verbe fait homme —, les mots diminuent» (Discours 288, 5: pl 38, 1307). Au fur et à mesure que Jésus — la vie spirituelle — grandit, les mots diminuent. Ce que l’on peut définir en italien «pappagallismo», parler comme des perroquets, continuellement, diminue un peu. Jean- Baptiste lui-même, qui est «la voix qui crie dans le désert: “Préparez le chemin du Seigneur”» (Mt 3, 1), dit du Verbe: «Il faut qu’il croisse et que je diminue» (Jn 3, 30). Cela signifie que Lui doit parler et que je dois me taire et Joseph par son silence nous invite à laisser place à la Présence de la Parole faite chair, à Jésus.
Le silence de Joseph n’est pas un mutisme, c’est un silence plein d’écoute, un silence actif, un silence qui révèle sa grande intériorité «Une parole que le Père prononça, et ce fut son Fils — commente saint Jean de la Croix, — et il parle toujours dans un silence éternel, et dans le silence doit être enétendu par l’âme» (Dichos de luz y amor, éd. BAC, Madrid, 417, n. 99).
Jésus a grandi dans cette «école», dans la maison de Nazareth, avec l’exemple quotidien de Marie et Joseph. Et il n’est pas surprenant qu’il ait lui-même cherché des espaces de silence dans ses journées (cf. Mt 14, 23) et qu’il ait invité ses disciples à faire une telle expérience par exemple: «Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu». (Mc 6, 31).
Comme il serait beau que chacun de nous, à l’exemple de saint Joseph, parvienne à retrouver cette dimension contemplative de la vie ouverte précisément par le silence. Mais nous savons tous par expérience que ce n’est pas facile: le silence nous fait un peu peur, car il nous demande d’entrer en nous-mêmes et de rencontrer la partie la plus vraie de nous-mêmes. Et tant de gens ont peur du silence, ils doivent parler, parler, parler ou écouter, la radio, la télévision..., mais le silence ils ne peuvent pas l’accepter parce qu’ils ont peur. Le philosophe Pascal observait que «tout le malheur des hommes vient d’une seule chose: ne pas savoir rester tranquille dans une chambre» (Pensées, 139).
Chers frères et sœurs, apprenons de saint Joseph à cultiver des espaces de silence, d’où puisse émerger une autre Parole c’est-à-dire Jésus, la Parole: celle de l’Esprit Saint qui habite en nous et qui porte Jésus. Il n’est pas facile de reconnaître cette Voix, qui est très souvent confondue avec les milliers de voix des préoccupations, des tentations, des désirs et des espoirs qui nous habitent; mais sans cet entraînement qui vient précisément de la pratique du silence, même notre parole peut devenir malade. Sans la pratique du silence, notre discours est malade. Au lieu de permettre à la vérité de transparaître, elle peut devenir une arme dangereuse. Car nos paroles peuvent devenir flatterie, vantardise, mensonge, médisance, calomnie. C’est un fait d’expérience que, comme nous le rappelle le Livre du Siracide, «la langue tue plus que l’épée» (28, 18). Jésus l’a dit clairement: celui qui dit du mal de son -frère ou de sa sœur, celui qui calomnie son prochain, est un meurtrier (cf. Mt 5, 21-22). Il tue avec sa langue. Nous ne le croyons pas, mais c’est vrai. Pensons un peu aux fois où nous avons tué avec notre langue, nous en aurions honte! Mais ça nous fera tellement de bien, tellement de bien.
La sagesse biblique affirme que «la mort et la vie sont au pouvoir de la langue; qui aime la parole mangera de son fruit». (Pr 18, 21). Et l’apôtre Jacques, dans sa Lettre, développe ce thème ancien de la puissance, positive et négative, de la parole avec des exemples frappants et il dit ceci: «Si quelqu’un ne commet pas d’écart quand il parle, c’est un homme parfait, capable de maîtriser son corps tout entier. [...] Notre langue est une petite partie de notre corps et elle peut se vanter de faire de grandes choses. [...] Elle nous sert à bénir le Seigneur notre Père, elle nous sert aussi à maudire les hommes, qui sont créés à l’image de Dieu. De la même bouche sortent bénédiction et malédiction» (3, 2-10).
C’est pourquoi nous devons apprendre de Joseph à cultiver le silence: cet espace d’intériorité dans nos journées où nous donnons à l’Esprit la possibilité de nous régénérer, de nous consoler, de nous corriger. Je ne dis pas que nous devons tomber dans le mutisme, non, mais nous devons cultiver le silence. Que chacun d’entre nous regarde à l’intérieur de soi-même: souvent nous faisons un travail et quand nous avons terminé, nous cherchons immédiatement le téléphone portable pour faire autre chose, nous sommes toujours comme ça. Et cela n’aide pas, cela nous fait glisser dans la superficialité. La profondeur du cœur croît avec le silence, un silence qui n’est pas mutisme, comme je l’ai dit, mais qui laisse place à la sagesse, à la réflexion et à l’Esprit Saint. Nous avons parfois peur des moments de silence, mais nous ne devons pas avoir peur! Le silence nous fera tant de bien. Et le bénéfice pour nos cœurs guérira aussi notre langage, nos mots et surtout nos choix. En fait, Joseph a uni le silence à l’action. Il n’a pas parlé, mais il a agi et nous a ainsi montré ce que Jésus a dit un jour à ses disciples: «Ce n’est pas en me disant: “Seigneur, Seigneur!” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux» (Mt 7, 21). Paroles fécondes quand nous parlons et avons en mémoire cette chanson «Paroles, paroles, paroles...» et rien de substantiel. Silence, parler juste, parfois se mordre un peu la langue, ça fait du bien, au lieu de dire des choses stupides.
Concluons par une prière:
Saint Joseph, homme du silence,
toi qui, dans l’Evangile, n’a prononcé aucune parole,
apprends nous à nous abstenir de paroles vaines,
à redécouvrir la valeur des mots qui édifient, encouragent, consolent, soutiennent.
Sois proche de ceux qui souffrent des mots qui blessent,
comme les calomnies et les médisances,
et aide-nous à toujours unir nos paroles à nos actes. Amen.
A l’issue de l’audience le Pape a salué les -pèlerins francophones présents:
Je salue cordialement les personnes de langue française.
Frères et sœurs, les yeux tournés vers la grotte de Bethléem où Joseph et Marie, dans le silence, attendent avec amour la naissance de l’Enfant Jésus, apprenons à mettre fin à nos silences complices et aux paroles qui portent atteinte à la charité, pour être proches de ceux qui souffrent et qui ont besoin d’être accueillis, reconnus, protégés et aimés. Que Dieu vous bénisse!