«Cooperatores Veritatis» — la devise choisie par Joseph Ratzinger «lorsqu'il devint archevêque de Munich» — apparaît sur le diplôme remis aux lauréat du Prix qui porte son nom, «afin qu’elle continue à inspirer leur engagement»: «ce sont des paroles dont chacun de nous aussi peut et doit s’inspirer dans son activité et dans sa vie». C'est ce qu'a affirmé le Pape François en recevant en audience, dans la matinée du samedi 1er novembre, dans la salle Clémentine, les membres de la Fondation vaticane Joseph Ratzinger–Benoît xvi à l'occasion de la remise du Prix Ratzinger, parvenu à sa onzième édition. Les lauréats de cette année sont Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz et le professeur Ludger Schwienhorst-Schönberger. Ont également participé à l'audience les deux lauréats du Prix Ratzinger 2020: Jean-Luc Marion et Tracey Rowland. En effet, l'an dernier, la situation sanitaire avait contraint à annuler l'audience déjà programmée. C'est le père Federico Lombardi, président de la Fondation, qui a illustré les contenus du Prix à François. Puis le cardinal Gianfranco Ravasi et Mgr Rudolf Voderholzer — tous deux membres du comité scientifique — ont présenté les profils des quatre lauréats au Pape, qui leur a remis le Prix. Nous publions ci-dessous le discours prononcé par le Pape à cette -occasion.
Chers frères et sœurs,
Je vous souhaite à tous de tout cœur la bienvenue. Je remercie le cardinal Ravasi, Mgr Voderholzer et le père Lombardi de leur paroles d’introduction et de présentation.
Je salue les lauréats du Prix Ratzinger: le prof. Jean-Luc Marion et la prof. Tracey Rowland, que nous n’avons pas pu fêter l’an dernier en raison de la pandémie, la prof. Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz et le prof. Ludger Schwienhorst-Schönberger, qui reçoivent le Prix cette année. Et j'accueille avec plaisir leurs familles et leurs amis.
Je salue les responsables de la Fondation vaticane Joseph Ratzinger–Benoît xvi, les membres du Comité scientifique, du Conseil d’administration et du collège des réviseurs, avec leurs soutiens, leurs amis et leurs collaborateurs.
Et je suis heureux qu’après l'interruption de l’année dernière, nous puissions reprendre la belle tradition de cette rencontre. La participation appréciée de diverses personnalités récompensées au cours des années précédentes démontre également que cet acte, en plus de reconnaître les grands mérites culturels de certains chercheurs et artistes, établit un lien durable, une relation féconde pour la présence et le service de l’Eglise dans le monde de la culture.
La communauté des lauréats s'agrandit chaque année, non seulement en nombre, mais également par la variété des pays représentés, désormais quinze, sur tous les continents y compris l’Océanie — aujourd’hui nous avons en effet avec nous la professeure Rowland, venue spécialement d’Australie grâce à la réouverture récente des voyages. Et, comme nous l’avons entendu, elle s’étend également dans la variété des disciplines d’études et des arts cultivés.
La dynamique de l’intelligence et de l’esprit humains est véritablement sans frontières pour connaître et créer. C’est l’effet de «l’étincelle» allumée par Dieu dans la personne faite à son image, capable de chercher et de trouver des significations toujours nouvelles dans la création et dans l’histoire, et de continuer à exprimer la vitalité de l’esprit en façonnant et en transfigurant la matière.
Mais les fruits de la recherche et de l’art ne mûrissent pas par hasard et sans effort. La reconnaissance va donc en même temps à l’engagement prolongé et patient qu'ils exigent pour arriver à maturité. L’Ecriture nous parle de la création de Dieu comme d’un «travail». Nous rendons donc hommage non seulement à la profondeur de la pensée et des écrits, ou à la beauté des œuvres artistiques, mais aussi au travail accompli avec générosité et passion depuis tant d’années, afin d’enrichir l’immense patrimoine humain et spirituel à partager. C’est un service inestimable pour l’élévation de l’esprit et de la dignité de la personne, pour la qualité des relations au sein de la communauté humaine et pour la fécondité de la mission de l’Eglise.
La brève présentation des lauréats et de leurs œuvres — que nous avons entendue tout à l’heure — a suffi pour que nous ressentions la fascination et l’attraction des courants de l’esprit. Elle nous a invités à passer de la réflexion philosophique sur la religion à l’écoute et à l’interprétation de la Parole de Dieu, du Cantique des Cantiques à la phénoménologie de l’être et de l’amour comme don. Nous avons entendu évoquer les noms des plus grands interlocuteurs de notre travail intellectuel: les grands maîtres de la philosophie et de la théologie de notre temps, de Guardini à de Lubac, d’Edith Stein à Lévinas, Ricœur et Derrida, jusqu’à McIntyre; et l’on pourrait en ajouter d’autres. Ils nous éduquent à penser pour vivre toujours plus profondément la relation avec Dieu et avec les autres, pour guider l’action humaine avec des vertus et surtout avec amour. Parmi ces maîtres, il faut évoquer un théologien qui a su ouvrir et nourrir sa réflexion et son dialogue culturel vers toutes ces directions ensemble, car la foi et l’Eglise vivent à notre époque et sont amies de toute recherche dans la vérité. Je parle de Joseph Ratzinger.
Ce prix est à juste titre attribué au nom de mon prédécesseur. C’est donc l’occasion pour moi, avec vous, de lui adresser à nouveau nos -pensées affectueuses, reconnaissantes et admiratives.
Il y a quelques mois, nous avons rendu grâce au Seigneur avec lui, à l’occasion du 70e anniversaire de son ordination sacerdotale; et l’on sent qu’il nous accompagne par la prière, en gardant toujours son regard tourné vers l’horizon de Dieu. Il suffit de le regarder pour s’en rendre compte. Aujourd’hui, nous le remercions en particulier parce qu’il a aussi été un exemple de dévouement passionné pour l’étude, la recherche, la communication écrite et orale; et parce qu’il a toujours pleinement et harmonieusement uni sa recherche culturelle à sa foi et à son service à l’Eglise.
N’oublions pas que Benoît xvi a continué à étudier et à écrire jusqu’à la fin de son pontificat. Il y a environ une dizaine d’années, tout en s’acquittant de ses responsabilités de gouvernement, il était occupé à terminer sa trilogie sur Jésus et il nous a ainsi laissé un témoignage personnel unique de sa constante recherche du visage du Seigneur. C’est la recherche la plus importante de toutes, qu’il a ensuite poursuivie dans la prière. Nous nous sentons inspirés et encouragés, et nous l’assurons de notre souvenir devant le Seigneur et de notre prière.
Comme nous le savons, les mots de la troisième lettre de Jean: «cooperatores veritatis» sont la devise qu’il a choisie lorsqu’il devint archevêque de Munich. Ils expriment le fil conducteur des différentes étapes de toute sa vie, de l’étude à l’enseignement académique, au ministère épiscopal, au service de la doctrine de la foi — auquel il a été appelé par saint Jean-Paul ii il y a 40 ans — jusqu’à son pontificat, caractérisé par un magistère lumineux et par un amour sans faille pour la Vérité. Cooperatores veritatis est ainsi également la devise qui apparaît sur le diplôme qui est remis aux lauréats, afin qu’elle continue à inspirer leur engagement.
Ce sont des paroles dont chacun de nous aussi peut et doit s’inspirer dans son activité et dans sa vie, et que je vous laisse à tous, chers amis, comme un souhait, avec ma bénédiction. Merci.