Facebook, Instagram, youtube, Tik Tok : « Lieux de culte » pour exprimer sa dévotion
Comme il arrive un peu pour tout, nous avons aussi dans notre téléphone portable des images pieuses que nous portons avec nous. C'est tout le sens des pages Instagram des saints : des images accompagnées de phrases et de prières. Et aussi, grâce aux vidéos et aux retransmissions en direct, des « lieux de culte » à distance. Cependant, le premier réseau social sur lequel des dévotions populaires sont apparues est Facebook, où se rencontrent encore les communautés les plus nombreuses. Et là, on peut peut-être parler de maisons de la presse votives virtuelles, avec des ex-voto sous forme d'émoticônes et de gifs, et des demandes de grâce via post.
Quelques saintes commencent à apparaître sur Tik Tok. A sainte Rita est dédié un compte brésilien, « santaritadecascia », qui publie des vidéos les plus classiques, avec musique sacrée et scènes rituelles, à celles qui sont un peu plus osées : images de la sainte qui se mêlent au rythme de la musique électronique et mouvements de prêtres transformés en pas de salsa et merengue.
La reine du web, c'est bien elle, sainte Rita da Cascia, la sainte des miracles et des causes impossibles. Plusieurs profils lui sont dédiés sur Instagram : près de 2.700 followers pour celui qui est le plus suivi parmi les Italiens ; près de 25.000 pour les deux Brésiliens. Sans compter les fanpages des fidèles, qui totalisent plus de 50.000 followers. Mais c'est le profil des moniales du monastère de Cascia qui est vraiment le plus populaire : près de 20 mille followers sur Instagram, plus de 650 mille sur Facebook. Samedi 2 octobre, à l'occasion de la fête des grands-parents, mère Natalina a posté un très tendre message vidéo de vœux : « Les grands-parents c'est le passé, mais ils ne sont pas passés... ».
En général, lorsqu'il ne s'agit pas de monastères ou d'institutions ecclésiastiques, ces profils sont gérés par le bas. Comptes individuels ou en groupes, toujours très actifs, entre prières, images, anniversaires, récits de vie des saints. Et des demandes d'intercession, comme celle « pour un couple en crise d'amour » : « Seigneur Jésus, que nous arrive-t-il ? Depuis quelque temps, les choses ne vont pas bien entre nous... on se dispute pour un rien... on crie, on s'offense mutuellement... on s'espionne et on se contrôle mutuellement. Seigneur Jésus, le vent est violent, les vagues menaçantes, par l'intercession de sainte Rita, sainte de la famille et du pardon, ne nous laisse pas sombrer, pour notre bien, pour le bien de nos enfants, pour le bien de tous ». Et dans les commentaires, par dizaines, des personnes se rassemblent autour du couple en crise, avec quelques Amen et de nombreux émoticônes : mains jointes, cœurs et roses rouges. Les roses de sainte Rita.
Sainte Rosalie a également des milliers d'adeptes, et pour elle aussi, les profils à son nom s’ajoutent à ceux des dévots. Il existe également le profil officiel de la cathédrale de Palerme, qui est suivi par plus de trois mille personnes sur Instagram et par plus de 110 mille sur Facebook. On s’adresse à la Santuzza del vicolo presque comme à un membre de la famille, avec des prières, des photos souvenirs et des pensées de bonne nuit, également en dialecte palermitain : « O santuzza Rusulia, tuttu u populu è cu tia,/ t'addumanna a dinucchiuni tanti grazi e tu li duni ! » Et ici, en plus des amen et des cœurs, il y a une profusion de gifs : des anges battant des ailes, des bougies allumées, des pétales de rose formant des cœurs.
Sainte Thérèse de Lisieux, qui doit aussi sa popularité à une bonne communication, est également très active sur les réseaux sociaux. Décédée à l'âge de 25 ans dans le monastère carmélite où elle avait passé la majeure partie de sa vie, elle est devenue docteur de l'Eglise, patronne de la France avec Jeanne d'Arc, patronne des missions et protectrice des malades. Son image publique a été grandement améliorée par l'initiative de sa sœur qui, en 1898, a publié ses journaux intimes, rassemblés sous le titre Histoire d'une âme : réflexions théologiques, crises mystiques, lettres, prières, mais aussi pièces de théâtre et poésies.
« De ma relation particulière avec la sainte est né ce groupe — , écrit la fondatrice de l'une des pages Facebook qui lui est consacrée —. Le but est de promouvoir la dévotion à sainte Thérèse de Lisieux. Méditer sur sa puissante intercession auprès du cœur de Dieu. Prier pour le monde entier, pour toutes les demandes qui arriveront à notre groupe ». Les adeptes de Teresina se comptent par dizaines de milliers dans le monde entier, et un utilisateur explique pourquoi : « Ce qui nous touche, c'est sa théologie de la petite voie : chercher la sainteté non pas dans les grandes actions, mais dans les actes quotidiens, même les plus insignifiants ».
Sainte Claire a deux profils ouverts à son nom, avec la définition explicite de « personnage public » : l'un géré en Italie, sur Facebook, qui compte des milliers de followers et près de six mille likes ; l'autre, sur Instagram, géré au Moyen-Orient, où les Clarisses ont des monastères (Nazareth et Jérusalem en Israël, Yarzè au Liban, puis Alexandrie en Egypte, et Casablanca au Maroc) : ici, les posts sont principalement en arabe, avec un peu d'anglais.
Antonio Salvati nous donne une image plus générale du phénomène dans son essai dans le volume : I santi-internauti. Esplorazioni agiografiche nel web (publié par Viella et édité par Claudia Santi et Daniele Solvi). Selon ses recherches, basées sur les données collectées jusqu'au 1er avril 2019, les fanpages dédiées aux saints ou au culte marial rassemblent plus de deux millions et demi d'utilisateurs Facebook. Dans le top10 italien, on trouve sainte Agathe, avec plus de 63.000 fans. Sainte Faustine Kowalska, sainte Barbara, sainte Lucie, sainte Veneranda, sainte Anne et sainte Brigitte sont également des saintes des réseaux sociaux, bien qu'elles atteignent des sommets moins élevés.
Federica Re David