A la base de l’amitié spirituelle entre l’homme et la femme
J’ai la chance d’avoir un père spirituel, un prêtre jésuite, qui m’accompagne dans mon parcours de croissance intérieure, sans jamais me précéder ou me diriger, mais en marchant à mes côtés, et, en conséquence, quand je parle de l’amitié spirituelle entre un homme et une femme dans l’Eglise, ma pensée va immédiatement et spontanément à mon expérience personnelle.
Comme on le sait, toute l’histoire de l’Eglise est traversée par une peur diffuse des femmes, qui a également pris la forme de la marginalisation et de la discrimination, mais il ne s’agit pas de la totalité de cette histoire, qui connaît également de grands exemples de collaboration féconde et de travail commun.
Cependant, quand on parle d’amitié spirituelle il est nécessaire d’éclaircir ce que l’on entend par amitié et ce que l’on entend par spirituel se référant à l’amitié entre un homme et une femme.
L’amitié est une relation intense et exigeante à laquelle participent toutes les dimensions de la personne, sans qu’une seule ne prenne le dessus. Respect, fidélité, loyauté, estime, affection et réciprocité en sont, sans aucun doute, les traits caractéristiques fondamentaux et chacun, sur la base de son expérience concrète, pourrait en ajouter d’autres. La spécification de spirituel indique davantage une direction, l’orientation partagée vers un objectif qui transcende les deux amis, qu’une accentuation qui exclut d’autres aspects qui, en revanche, sont englobés et valorisés.
La réponse à l’objection sur l’impossibilité prétendue de l’amitié entre les deux sexes ne naît pas tant d’un raisonnement qui en affirme la possibilité, que, plutôt, de l’observation d’exemples historiquement concrets. Il suffit de considérer les parcours existentiels et spirituels de Benoît et Scholastique, Claire et François, François de Sales et Jeanne de Chantal, von Speyr e von Balthasar, ainsi que d’autres figures dont on parle dans ce numéro.
Il y a deux concepts qui, à mon avis, sont extrêmement féconds pour aller plus en profondeur dans la compréhension de l’amitié spirituelle entre l’homme et la femme: le premier est celui d’alliance et le deuxième sera, ensuite, celui de projet.
Le concept de l’alliance nous ramène directement aux deux récits de la création de l’homme et de la femme du livre de la Genèse, qui nous parlent de deux être différents par leur sexe, mais égaux par leur dignité (tous les deux “imago Dei”) et placés l’un face à l’autre en réciprocité, sans ces formes de domination qui sera introduite par le péché. En voulant articuler l’alliance entre l’homme et la femme dans ses dimensions intrinsèques, il est nécessaire de distinguer entre sponsalité et nuptialité. La sponsalité se situe sur le plan de la structure constitutive de l’être humain et indique la capacité relationnelle radicale, c’est-à-dire aimer, que ce soit au sens vertical, avec Dieu, ou au sens horizontal, c’est-à-dire entre l’homme et la femme.
La nuptialité, en revanche, se réfère à un rapport exclusif, fidèle et indissoluble et invite également à un profond réexamen des figures de la virginité consacrée et du célibat, au-delà de la seule conjugalité.
Le deuxième concept à souligner, à propos de l’amitié spirituelle entre l’homme et la femme, est celui de projet.
On a vu plus haut qu’en définissant comme spirituelle l’amitié entre un homme et une femme, on souligne l’orientation commune vers un objectif partagé, qui peut être spécifique au couple en question, ou concerner le plus vaste domaine ecclésial.
Dans les deux cas, l’engagement en vue d’une réalisation qui ne peut être accomplie qu’ensemble est central et chacun des deux amis apporte sa contribution particulière et irremplaçable, que l’autre accueille comme un don absolument gratuit.
L’histoire de l’Eglise témoigne de plusieurs relations fécondes de ce type et chacune d’elles a marqué, de manière plus ou moins visible, un tournant tangible dont sont nées des nouveautés autrement inimaginables.
Giorgia Salatiello