« Le service oui, la servitude non », répète le Pape François lorsque l’on parle de la question féminine dans l'Eglise. Service et servitude : la ligne de démarcation n’est pas mince du tout. La différence réside entre répondre à la mission d' « aimer comme Jésus » et celle de « se soumettre aux autorités », y compris ecclésiastiques. C'est l'opinion de sœur Hazel D'Lima, une des Filles du Cœur de Marie en Inde, qui a édité avec sœur Noella de Souza, des Missionnaires du Christ Jésus, le livre It's High Time. Les religieuses parlent de la justice de genre dans l'Eglise indienne.
Le livre, qui a également fait l'objet d'une conférence internationale organisée en ligne par Voices of Faith, est le résultat d'une étude de deux ans, commissionnée par la Conference of Religious India - Women's Section (Conférence des religieux d’Inde – Section femmes). Il contient les résultats d'un questionnaire diffusé auprès des supérieurs des congrégations présentes en Inde, où vivent et travaillent 90 000 religieuses. Les questions ont été envoyées à 500 mères supérieures pour un total de 121 réponses reçues en retour: 25% du total, un résultat que sœur Hazel considère comme qualitativement valable. Il en ressort une image de prévarication qui se transforme — souvent — en abus. Les épisodes relatés vont au-delà d'une impression hâtive de rébellion contre l'autorité, qui est parfois confondue à tort avec la question du vœu d'obéissance.
Il ne s’agit pas ici de l'attribution d'emplois humbles et subalternes dans les sacristies. Mais bien plutôt le travail qui est souvent gratuit et obligatoire, ou payé à bas salaire. Il y a l'intention de représailles de certains prêtres – et le texte contient des cas détaillés et documentés – de ne pas administrer les sacrements aux sœurs qui ont ouvertement exprimé leur dissidence. « Un chantage sacramentel » pour sœur Noella. Mais il y a aussi des tergiversations en matière de droits de propriété, avec des terres soustraites aux congrégations féminines. « Même en cela – témoigne le Père Philip Pinto de la Congrégation des Frères chrétiens – la capacité de négociation entre les congrégations de religieuses et le clergé est beaucoup plus limitée que pour les ordres de religieux masculins. En outre, comme l'écrit le père Pinto dans la préface du livre, « en écoutant les histoires de ces religieuses, je suis passé par toute la gamme des émotions : de la colère à l'incrédulité face à l'arrogance masculine, en passant par la frustration, la douleur et la honte. J'ai accompagné les supérieures dans leur quête de justice dans l’écoute des évêques et des provinciaux. C'est maintenant l'appel à l'action ». Une action qui passe par la volonté d’instaurer un dialogue avec la conférence des religieux d’Inde car, comme l'a dit sœur Noella, « lorsque les religieuses ne sont pas traitées comme des égales, l'Eglise ne peut pas faire rayonner sa beauté dans sa plénitude ».
Elena Di Dio
Auteure Tv2000