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Appel du Pape François, du patriarche Bartholomée et de l’archevêque Welby aux responsables de la cop26 pour l’avenir de la planète et de l’humanité

Apporter des réponses urgentes à la catastrophe environnementale et à l’injustice dévastatrice

 Apporter des réponses urgentes à la catastrophe environnementale et à l’injustice dévastatrice  ...
14 septembre 2021

Pour la première fois, le Pape François, le patriarche de Constantinople, Bartolomée, et l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, unissent leurs voix pour lancer un appel urgent en vue de la durabilité environnementale, la lutte contre la pauvreté et la coopération internationale, en invitant les leaders mondiaux, qui se réuniront à Glasgow en novembre prochain pour la Cop 26, à faire des choix conscients «pour l’avenir de notre planète et de ses habitants». L’appel est contenu dans le message conjoint en date du 1er septembre, publié le mardi 7 septembre, à l’occasion du Temps de la création, qui est célébré chaque année du 1er septembre au 4 octobre.

Déclaration commune pour la sauvegarde de la création

Pendant plus d’un an, nous avons tous subi les effets dévastateurs d’une pandémie mondiale, tous, pauvres ou riches, faibles ou forts. Certains ont été plus protégés ou plus vulnérables que d’autres, mais la propagation rapide de l’infection a fait que nous avons dépendu les uns des autres dans nos efforts pour être en sécurité. Nous avons réalisé que, face à cette calamité mondiale, personne n’est en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas, que nos actions ont réellement une incidence les unes sur les autres et que ce que nous faisons aujourd’hui a une incidence sur ce qui se passera demain.

Ces leçons ne sont pas nouvelles, mais nous avons dû les affronter à nouveau. Ne gâchons pas ce moment. Nous devons décider du genre de monde que nous voulons laisser aux générations futures. Dieu nous demande: «Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez» (Dt 30, 19). Nous devons choisir de vivre différemment; nous devons choisir la vie.

Le mois de septembre est célébré par de nombreux chrétiens comme Temps de la Création, une occasion de prier et de prendre soin de la création de Dieu. Alors que les dirigeants mondiaux se préparent à se réunir en novembre à Glasgow pour délibérer sur l’avenir de notre planète, nous prions pour eux et réfléchissons aux choix que nous devons tous faire. C’est pourquoi, en tant que res-ponsables de nos Eglises, nous exhortons chacun, quelle que soit sa croyance ou sa vision du monde, à s’efforcer d’écouter le cri de la terre et des pauvres, à examiner son comportement et à s’engager à faire des sacrifices significatifs pour le bien de la terre que Dieu nous a donnée.

L’importance de la durabilité

Dans notre tradition chrétienne commune, les Ecritures et les saints offrent des perspectives éclairantes pour comprendre tant les réalités du présent que la promesse de quelque chose de plus grand que ce que nous vivons dans le moment présent. Le concept de sauvegarde — de res-ponsabilité individuelle et collective à l’égard de ce que Dieu nous a donné — constitue un point de départ essentiel pour la durabilité sociale, économique et environnementale. Dans le Nouveau Testament, nous lisons l’histoire de l’homme riche et insensé qui accumule une abondance de blé, en oubliant que sa vie est limitée (Lc 12, 13-21). Nous entendons l’histoire du fils prodigue qui prend son héritage en avance, uniquement pour le dilapider et finir en proie à la faim (Lc 15, 11-32). Nous sommes mis en garde contre l’adoption d’options à court terme et apparemment peu coûteuses, pour construire sur le sable, au lieu de bâtir sur le roc afin que notre maison commune résiste aux tempêtes (Mt 7, 24-27). Ces récits nous invitent à adopter une vision plus ample et à reconnaître notre place au sein de la longue histoire de l’humanité.

Mais nous avons pris la direction opposée. Nous avons maximisé notre propre intérêt au détriment des générations futures. En nous concentrant sur notre richesse, nous découvrons que les biens à long terme, parmi lesquels l’abondance de la nature, sont consumés pour des avantages à court terme. La technologie a ouvert de nouvelles possibilités de progrès, mais également d’accumulation de richesses sans limite, et nombre d’entre nous se comportent d’une manière qui témoigne d’un manque de préoccupation pour les autres ou pour les limites de la planète. La nature est résiliente, mais délicate. Nous assitons déjà aux conséquences de notre refus de la protéger et de la préserver (Gn 2, 15). Or, en ce moment, nous avons une occasion de nous repentir, de faire demi-tour avec détermination, de prendre la direction opposée. Nous devons rechercher la générosité et l’équité dans notre façon de vivre, de travailler et d’utiliser l’argent, au lieu de rechercher un gain égoïste.

L’impact sur les personnes
qui vivent dans la pauvreté

La crise climatique actuelle en dit long sur qui nous sommes et sur la façon dont nous considérons et traitons la création de Dieu. Nous sommes confrontés à une justice sévère: perte de biodiversité, dégradation de l’environnement et changement climatique sont les conséquences inévitables de nos actions, puisque nous avons consommé avec avidité plus de ressources que ce que la planète peut supporter. Mais nous sommes également confrontés à une profonde injustice: les personnes qui subissent les conséquences les plus catastrophiques de ces abus sont les plus pauvres de la planète et celles qui en sont le moins responsables. Nous servons un Dieu de justice, qui se réjouit de la création et crée chaque personne à Son image, mais qui entend aussi le cri des personnes pauvres. C’est pourquoi il y a en nous un appel inné à répondre avec angoisse lorsque nous voyons cette injustice dévastatrice.

Aujourd’hui, nous en payons le prix. Les catastrophes météorologiques et naturelles extrêmes de ces derniers mois nous révèlent à nouveau avec une grande force et à un coût humain élevé que le changement climatique n’est pas seulement un défi futur, mais une question de survie immédiate et urgente. Des inondations, des incendies et des sécheresses généralisés menacent des continents entiers. Le niveau des mers monte, obligeant des communautés entières à se déplacer; les cyclones dévastent des régions entières, ruinant vies et moyens de subsistance. L’eau s’est raréfiée et l’approvisionnement alimentaire est devenu incertain, ce qui a provoqué des conflits et le déplacement de millions de personnes. Nous l’avons déjà constaté dans des endroits où les populations dépendent de petites exploitations agricoles. Aujourd’hui, nous le constatons dans les pays plus industrialisés, où même les infrastructures sophistiquées ne peuvent empêcher complètement la destruction extraordinaire.

Demain ce pourrait être pire. Les enfants et les adolescents d’aujourd’hui seront confrontés à des con-séquences catastrophiques si nous n’assumons pas dès maintenant notre responsabilité, en tant que «collaborateurs de Dieu» (Gn 2, 4-7), de soutenir notre monde. Nous entendons souvent des jeunes qui comprennent que leur avenir est menacé. Pour leur bien, nous devons choisir de manger, de voyager, de dépenser, d’investir et de vivre différemment, en pensant non seulement aux intérêts et aux gains immédiats, mais aussi aux bénéfices futurs. Nous nous repentons des péchés de notre génération. Nous sommes aux côtés de nos sœurs et frères plus jeunes du monde entier dans une prière dévote et une action engagée en vue d’un avenir qui corresponde toujours plus aux promesses de Dieu.

L’impératif de la coopération

Au cours de la pandémie, nous avons compris à quel point nous sommes vulnérables. Nos systèmes sociaux ont cédé et nous avons découvert que nous ne pouvions pas tout contrôler. Nous devons reconnaître que la façon dont nous utilisons l’argent et organisons nos sociétés n’a pas profité à tous. Nous nous retrouvons faibles et anxieux, submergés par une série de crises: sanitaire, environnementale, alimentaire, économique et sociale, qui sont toutes profondément interconnectées.

Ces crises nous placent devant un choix. Nous sommes dans une position unique de décider de les affronter avec peu de clair-voyance et en recherchant le profit, soit de les saisir comme une opportunité de conversion et de transformation. Si nous considérons l’humanité comme une famille et travaillons ensemble à un avenir fondé sur le bien commun, nous pourrions nous retrouver à vivre dans un monde très différent. Ensemble, nous pouvons partager une vision de la vie où chacun s’épanouit. Ensemble, nous pouvons choisir d’agir avec amour, justice et miséricorde. Ensemble, nous pouvons marcher vers une société plus juste et épanouissante, qui place les plus vulnérables au centre.

Mais cela implique de faire des changements. Chacun d’entre nous, individuellement, doit assumer la responsabilité de la manière dont sont utilisées nos ressources. Ce chemin exige une collaboration toujours plus étroite entre toutes les Eglises dans leur engagement à prendre soin de la création. Ensemble, en tant que communautés, Eglises, villes et nations, nous devons changer de cap et découvrir de nouvelles façons de travailler ensemble pour faire tomber les barrières traditionnelles entre les peuples, cesser de nous disputer les ressources et commencer à collaborer.

A ceux qui ont des responsabilités plus importantes — à la tête d’administrations, dans la gestion d’entreprises, employant des personnes ou investissant des fonds — nous disons: choisissez des profits centrés sur les personnes; faites des sacrifices à court terme pour sauvegarder notre avenir à tous; devenez des leaders dans la transition vers des économies justes et durables. «A qui on aura donné beaucoup il sera beaucoup demandé». (Lc 12, 48).

C’est la première fois que nous nous sentons tous trois obligés d’aborder ensemble la question de l’urgence de la durabilité environnementale, son impact sur la pauvreté persistante et l’importance de la co-opération mondiale. Ensemble, au nom de nos communautés, nous faisons appel au cœur et à l’esprit de chaque chrétien, de chaque croyant et de chaque personne de bonne volonté. Nous prions pour nos dirigeants qui se réuniront à Glasgow pour décider de l’avenir de notre planète et de ses habitants. Encore une fois, nous rappelons l’Ecriture: «Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez» (Dt 30, 19). Choisir la vie signifie faire des sacrifices et faire preuve de retenue.

Nous tous — qui que nous soyons et où que nous soyons — pouvons -jouer un rôle pour modifier notre réponse collective à la menace sans précédent du changement climatique et de la dégradation de l’environnement.

Prendre soin de la création de Dieu est une mission spirituelle qui exige une réponse engagée. Nous vivons un moment critique. L’avenir de nos enfants et l’avenir de notre maison commune en dépendent.