Qui ne suit pas le Concile
«Le Concile est le magistère de l’Eglise. Ou tu es avec l’Eglise et tu suis donc le Concile, ou alors, si tu ne suis pas le Concile et que tu l’interprètes à ta façon, comme tu le veux, tu n'es pas avec l’Eglise». C'est ce qu'a souligné avec force le Pape en s'adressant aux membres du Bureau national de catéchèse qui dépend de la conférence épiscopale italienne (cei), reçus dans la matinée du 30 janvier, dans la salle Clémentine. Dans son discours, prononcé après l'adresse de salut du cardinal Gualtiero Bassetti, président de la cei, le Pape a également réaffirmé qu'en Italie «un processus de synode national doit commencer».
Chers frères et sœurs,
Je vous souhaite la bienvenue et je remercie le cardinal Bassetti pour ses aimables paroles. Je salue le secrétaire général, Mgr Russo, et vous tous, qui soutenez l’engagement de l’Eglise italienne dans le domaine de la catéchèse. Je suis heureux de commémorer avec vous le 60e anniversaire de la naissance du Bureau national de la catéchèse. Institué avant même l'organisation de la conférence épiscopale, il a été un instrument indispensable pour le renouveau catéchétique après le Concile Vatican ii. Cette célébration est une occasion précieuse de faire mémoire, de rendre grâce pour les dons reçus et de renouveler l’esprit de l’annonce. Dans ce but, je voudrais partager trois points qui, je l’espère, pourront vous aider dans le travail des prochaines années.
Le premier: catéchèse et kérygme. La catéchèse est l’écho de la Parole de Dieu. Dans la transmission de la foi, l’Ecriture — comme le rappelle le Document de base — est «le Livre; pas un manuel, fut-il le premier» (cei, Le renouveau de la catéchèse, n. 107). La catéchèse est donc la vague de la Parole de Dieu pour transmettre la joie de l’Evangile dans la vie. Grâce au récit de la catéchèse, l’Ecriture Sainte devient «l’environnement» dans lequel l’on sent appartenir à l’histoire du salut, en rencontrant les premiers témoins de la foi. La catéchèse, c’est prendre par la main et accompagner dans cette histoire. Elle suscite un chemin, dans lequel chacun trouve son rythme, parce que la vie chrétienne ne nivelle pas, n’homologue pas, mais valorise l’unicité de chaque enfant de Dieu. La catéchèse est également un parcours mystagogique, qui avance en dialogue constant avec la liturgie, domaine où resplendissent les symboles qui, sans s’imposer, parlent à la vie et la marquent de l’empreinte de la grâce.
Le cœur du mystère est le kérygme, et le kérygme est une personne: Jésus Christ. La catéchèse est un espace privilégié pour favoriser la rencontre personnelle avec Lui. C’est pourquoi elle doit être tissée de relations personnelles. Il n’y a pas de vraie catéchèse sans le témoignage d’hommes et de femmes en chair et en os. Qui parmi nous ne se souvient pas d’au moins une de ses catéchistes? Moi, je m’en souviens: je me souviens de la sœur qui m’a préparé à la première communion et qui m’a fait tant de bien. Les premiers protagonistes de la catéchèse ce sont eux, les messagers de l’Evangile, souvent laïcs, qui se mettent en jeu avec générosité pour partager la beauté d’avoir rencontré Jésus. «Qui est le catéchiste? C’est celui qui garde et qui nourrit la mémoire de Dieu; il la garde en lui — il est un «mémorialiste» de l’histoire du salut — et il sait la réveiller chez les autres. C’est un chrétien qui met cette mémoire au service de l’annonce; pas pour se montrer, ni pour parler de soi, mais pour parler de Dieu, de son amour, de sa fidélité» (Homélie pour la journée des catéchistes en l’année de la foi, 29 septembre 2013).
Pour ce faire, il est bon de rappeler «certaines caractéristiques de l’annonce qui aujourd’hui sont nécessaires en tout lieu: qu’elle exprime l’amour salvifique de Dieu préalable à l’obligation morale et religieuse — tu es aimé, tu es aimée, c'est le premier, c'est la porte —, qu’elle n’impose pas la vérité et qu’elle fasse appel à la liberté — comme le faisait Jésus —, qu’elle possède certains aspects de joie, d’encouragement, de vitalité, et une plénitude harmonieuse qui ne réduise pas la prédication à quelques doctrines, parfois plus philosophiques qu’évangéliques. Cela exige de l’évangélisateur certaines dispositions qui aident à mieux accueillir l’annonce — et quelles sont les dispositions que chaque catéchiste doit avoir? —: proximité, ouverture au dialogue, patience, accueil cordial qui ne condamne pas» (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 165). Jésus possédait cela. C’est toute la géographie de l’humanité que le kérygme, boussole infaillible de la foi, aide à explorer.
Et sur ce point — le catéchiste —, je reprends quelque chose qui doit être dit également aux parents, aux grands-parents: la foi doit être -transmise «en dialecte». Un catéchiste qui ne sait pas expliquer dans le «dialecte» des jeunes, des enfants, de ceux qui… Mais par le terme dialecte je ne me réfère pas au dialecte linguistique, dont l’Italie est si riche, non, mais au dialecte de la proximité, au dialecte qui puisse comprendre, au dialecte de l’intimité. Je suis très touché par ce passage des Maccabées, celui des sept frères (2 Mach 7). Il est dit à deux ou trois reprises que leur mère les soutenait en leur parlant en dialecte [«dans la langue de leurs pères»]. C’est important: la vraie foi doit être transmise en dialecte. Les catéchistes doivent apprendre à la transmettre en dialecte, c’est-à-dire avec cette langue qui vient du cœur, qui est née, qui est la plus familière, la plus proche de tous. Sans dialecte, la foi n’est pas transmise totalement et de la bonne façon.
Le deuxième point: catéchèse et avenir. L’année dernière marquait le 50e anniversaire du document Le renouveau de la catéchèse, par lequel la conférence épiscopale italienne recevait les indications du Concile. A ce propos, je fais miennes les paroles de saint Paul vi, adressées à la première assemblée générale de la cei après le Concile Vatican ii: «Nous devons regarder le Concile avec reconnaissance envers Dieu et avec confiance pour l’avenir de l’Eglise; il sera le grand catéchisme des temps nouveaux» (23 juin 1966). Et en revenant sur ce thème, à l’occasion du premier congrès catéchétique international, il ajoutait: «La tâche de la catéchèse qui renaît incessamment et qui se renouvelle incessamment, est de comprendre ces problèmes qui s'élèvent du cœur de l’homme, pour les ramener à leur source cachée: le don de l’amour qui crée et qui sauve» (25 septembre 1971). Par conséquent, la catéchèse inspirée du Concile est continuellement à l’écoute du cœur de l’homme, toujours avec l’oreille tendue, toujours attentive à se renou-veler.
C'est le magistère: le Concile est le magistère de l’Eglise. Ou tu es avec l’Eglise et tu suis donc le Concile, ou alors, si tu ne suis pas le Concile et que tu l’interprètes à ta façon, comme tu le veux, tu n'es pas avec l’Eglise. Nous devons être exigeants sur ce point, sévères. Le Concile ne doit pas être négocié, pour avoir plus de ceci… Non, le Concile est ainsi. Et le problème que nous vivons de la sélection dans le Concile s’est répété tout au long de l’histoire avec d’autres Conciles. Cela me fait beaucoup penser à un groupe d’évêques, un groupe de laïcs, des groupes, qui, après le Concile Vatican i, sont partis pour poursuivre la «vraie doctrine» qui n’était pas celle du Concile Vatican i: «Nous sommes les vrais catholiques». Aujourd’hui, ils ordonnent des femmes. L’attitude la plus sévère, pour protéger la foi sans le magistère de l’Eglise, te conduit à la ruine. S’il vous plaît, ne faites aucune concession à ceux qui cherchent à présenter une catéchèse qui ne soit pas conforme au magistère de l’Eglise.
De même que dans l’après-Concile l’Eglise italienne a été prête et capable d’accueillir les signes et la sensibilité des temps, aujourd’hui encore elle est appelée à offrir une catéchèse renouvelée, qui inspire chaque domaine de la pastorale: charité, liturgie, famille, culture, vie sociale, économie… Que de la racine de la Parole de Dieu, à travers le tronc de la sagesse pastorale, fleurissent des approches fructueuses des divers aspects de la vie. La catéchèse est ainsi une aventure extraordinaire: comme «avant-garde de l’Eglise» elle a pour mission de lire les signes des temps et d’accueillir les défis présents et futurs. Nous ne devons pas avoir peur de parler le langage des femmes et des hommes d’aujourd’hui. Mais nous devons avoir peur de parler le langage de ce qui est en dehors de l’Eglise. Nous ne devons pas avoir peur de parler le langage des gens. Nous ne devons pas avoir peur d’en écouter les questions, quelles qu’elles soient, les questions irrésolues, d’écouter les fragilités, les incertitudes: de cela, n’ayons pas peur. Nous ne devons pas avoir peur d’élaborer des instruments nouveaux: dans les années 70, le Catéchisme de l’Eglise italienne fut original et apprécié; les temps actuels demandent eux aussi de l'intelligence et du courage pour élaborer des instruments mis à jour, qui transmettent à l’homme d’aujourd’hui la richesse et la joie du kérygme, et la richesse et la joie de l’appartenance à l’Eglise.
Troisième point: catéchèse et communauté. En cette année marquée par l’isolement et par le sentiment de solitude causés par la pandémie, on a plusieurs fois réfléchi sur le sens d’appartenance qui est à la base d’une communauté. Le virus a miné le tissu vivant de nos territoires, surtout existentiels, en alimentant des peurs, des soupçons, la méfiance et l’incertitude. Il a mis en échec des pratiques et des habitudes consolidées et nous pousse à repenser notre façon d’être une communauté. Nous avons compris, en effet, que nous ne pouvons pas agir seuls et que la seule façon de sortir des crises est d’en sortir ensemble — personne ne se sauve seul, il faut s’en sortir ensemble —, en retrouvant avec plus de conviction la communauté dans laquelle nous vivons. Parce que la communauté n’est pas une agglomération d’individus, mais la famille dans laquelle s’intégrer, le lieu où prendre soin les uns des autres, les jeunes des personnes âgées et les personnes âgées des jeunes, nous aujourd’hui de ceux qui viendront demain. Ce n'est qu'en retrouvant le sens de la communauté que chacun pourra trouver en plénitude sa dignité.
La catéchèse et l’annonce ne peuvent que mettre au centre cette dimension communautaire. Ce n’est pas le moment de faire des stratégies élitistes. La grande communauté: quelle est la grande communauté? Le saint peuple fidèle de Dieu. On ne peut pas avancer hors du saint peuple fidèle de Dieu, qui — comme dit le Concile — est infaillible in credendo. Toujours avec le saint peuple de Dieu. En revanche, chercher des appartenances élitistes t’éloigne du peuple de Dieu, peut-être avec des formules sophistiquées, mais tu perds cette appartenance à l’Eglise qui est le saint peuple fidèle de Dieu.
Les temps est venu d’être des artisans de communautés ouvertes qui sachent valoriser les talents de chacun. Le temps est venu de communautés missionnaires, libres et désintéressées, qui ne cherchent pas à se mettre au premier-plan ou leurs intérêts, mais qui parcourent les sentiers des personnes de notre temps, en se penchant sur celui qui est exclu. Le temps est venu de communautés qui regardent dans les yeux les jeunes déçus, qui accueillent les étrangers et qui donnent de l'espérance à ceux qui sont découragés. Le temps est venu de communautés qui dialoguent sans peur avec celui qui a des idées différentes. Le temps est venu de communautés qui, comme le Bon Samaritain, sachent se faire proches de celui qui est blessé par la vie, pour en panser les plaies avec compassion. N’oubliez pas ce mot: compassion. Combien de fois, dans l’Evangile, dit-on de Jésus: «Et il eut compassion», «il fut pris de compassion». Comme je l’ai dit au congrès ecclésial de Florence, je désire une Eglise «toujours plus proche des personnes abandonnées, des oubliés, des imparfaits. […] Une Eglise joyeuse avec un visage de mère, qui comprend, accompagne, caresse». Ce que je disais alors sur l’humanisme chrétien vaut également pour la catéchèse: elle «affirme radicalement la dignité de chaque personne comme enfant de Dieu, elle établit entre tous les êtres humains une fraternité fondamentale, elle enseigne à comprendre le travail, à habiter la création comme une maison commune, elle fournit des raisons pour la joie, l’humour, même au milieu d’une vie parfois très dure» (Discours au ve congrès national de l’Eglise italienne, Florence, 10 novembre 2015).
J’ai mentionné le congrès de Florence. Après cinq ans, l’Eglise italienne doit revenir au congrès de Florence, et elle doit commencer un processus de synode national, communauté par communauté, diocèse par diocèse: ce processus sera lui aussi une catéchèse. Dans le congrès de Florence il y a précisément l’intuition du chemin à suivre dans ce synode. Il faut le reprendre maintenant: c’est le moment. Et commencer à marcher.
Chers frères et sœurs, je vous remercie pour ce que vous faites. Je vous invite à continuer à prier et à penser avec créativité à une catéchèse centrée sur le kérygme, qui regarde l’avenir de nos communautés, pour qu’elles soient toujours plus enracinées dans l’Evangile, des communautés fraternelles et inclusives. Je vous bénis et je vous accompagne. Et vous, s’il vous plaît, priez pour moi, j’en ai besoin. Merci!