Eteindre télévision
La Parole de Dieu «semée dans le terrain de notre cœur, nous amène à semer l’espérance à travers la proximité» et «elle rejoint tout le monde et tous les domaines de la vie»: c'est ce qu'a rappelé le président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation qui a célébré le dimanche 24 janvier la deuxième Messe du Dimanche de la Parole. Institué par le Pape François en septembre 2019, le «Dimanche de la Parole de Dieu» se tient le troisième dimanche du temps ordinaire, pour «célébrer, réfléchir et proclamer la Parole de Dieu». Cette année, la Messe a été présidée par Mgr Rino Fisichella au nom du Pape, souffrant de nouveau d'une forte sciatique.
En ce dimanche de la Parole, nous écoutons Jésus qui annonce le -Royaume de Dieu. Voyons ce qu’il dit et à qui il le dit.
Ce qu’il dit. Jésus commence à prêcher ainsi: «Les temps sont accomplis: le royaume de Dieu est tout proche» (Mc 1, 15). Dieu est proche, voici le premier message. Son royaume est descendu sur terre. Dieu ne demeure pas, comme nous sommes souvent tentés de penser, là-haut dans les cieux, lointain, séparé de la condition humaine, mais il est avec nous. Le temps de la distance est fini lorsque Jésus s’est fait homme. Depuis ce moment, Dieu est très proche; il ne se détachera jamais de notre humanité et ne se lassera jamais d’elle. Cette proximité est le commencement de l’Evangile, c’est ce que — souligne le texte — Jésus « disait» (v. 15): il ne l’a pas dit une seule fois, et c’est tout, il le disait, c’est-à-dire qu’il le répétait tout le temps. «Dieu est proche» était le leitmotiv de son annonce, le cœur de son message. Si c’est le commencement et le refrain de la prédication de Jésus, cela ne peut qu’être la constante de la vie et de l’annonce chrétienne. Avant toute autre chose il sera cru et annoncé que Dieu s’est approché de nous, que nous avons été graciés, «bénéficiaires de la miséricorde». Avant chacune de nos paroles sur Dieu il y a sa Parole pour nous, qui continue à nous dire: «Ne crains pas, je suis avec toi. Je suis proche de toi et je resterai proche de toi».
La Parole de Dieu nous permet de toucher du doigt cette proximité, parce que — dit le Deutéronome — -elle n’est pas loin de nous, mais elle est proche de notre cœur (cf. 30, 14). C’est l’antidote à la peur de rester seuls devant la vie. Le Seigneur, en effet, par sa Parole con-sola [en italien], c’est-à-dire est avec celui qui est seul. En nous parlant, il nous rappelle que nous sommes dans son cœur, précieux à ses yeux, gardés dans les paumes de ses mains. La Parole de Dieu donne cette paix, mais elle ne laisse pas en paix. C’est une Parole de consolation, mais aussi de conversion. «Convertissez-vous», dit en effet Jésus aussitôt après avoir proclamé la proximité de Dieu. Parce qu’avec sa proximité est fini le temps où l’on prend ses distances avec Dieu et avec les autres, est fini le temps où chacun pense à soi et va de l’avant pour son propre compte. Cela n’est pas chrétien, parce que celui qui fait l’expérience de la proximité de Dieu ne peut pas mettre à distance le prochain, ne peut pas l’éloigner dans l’indifférence. En ce sens, celui qui fréquente la Parole de Dieu reçoit des retournements existentiels salutaires: il découvre que la vie n’est pas le temps pour se méfier des autres et se protéger soi-même, mais l’occasion pour aller à la rencontre des autres au nom du Dieu proche. Ainsi la Parole, semée dans le terrain de notre cœur, nous amène à semer l’espérance à travers la proximité. Tout comme Dieu fait avec nous.
Voyons maintenant à qui parle Jésus. Il s’adresse avant tout à des pécheurs de Galilée. C’étaient des personnes simples, qui vivaient du fruit de leurs mains, travaillant durement nuit et jour. Ils n’étaient pas experts dans les Ecritures et ne se distinguaient certes pas par la science et la culture. Ils habitaient une région composite, avec différents peuples, ethnies et cultes: c’était l’endroit le plus éloigné de la pureté religieuse de Jérusalem, le plus éloigné du cœur du pays. Mais Jésus commence par là, non pas par le centre mais par la périphérie, et il le fait pour nous dire aussi que personne n’est en marge du cœur de Dieu. Tous peuvent recevoir sa Parole et le rencontrer en personne. Il y a un joli détail dans l’Evangile à ce sujet, lorsqu’on fait remarquer que l’annonce de Jésus arrive «après» celle de Jean (Mc 1, 14). C’est un après décisif, qui marque une différence: Jean accueillait les gens dans le désert, où se rendaient seulement ceux qui pouvaient laisser les lieux où ils vivaient. Jésus, au contraire, parle de Dieu au cœur de la société, à tous, là où ils sont. Et il ne parle pas à des horaires et des temps établis: il parle «en passant le long de la mer» à des pêcheurs «en train de jeter les filets» (v. 17). Il s’adresse à des personnes dans les endroits et dans les moments les plus ordinaires. Voilà la force universelle de la Parole de Dieu, qui rejoint tout le monde et tous les domaines de la vie.
Mais la Parole a aussi une force particulière, elle affecte chacun de manière directe, personnelle. Les disciples n’oublieront jamais les paroles écoutées ce jour-là sur les rives du lac, proches de leur barque, aux membres de la famille et aux collègues, paroles qui marqueront pour toujours leur vie. Jésus leur dit: «Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes» (v. 17). Il ne les attire pas avec des discours élevés et inaccessibles, mais il parle à leurs vies: à des pêcheurs de poissons il dit qu’ils seront pêcheurs d’hommes. S’il leur avait dit: «Venez à ma suite, je vous ferai apôtres: vous serez envoyés dans le monde et vous annoncerez l’Evangile avec la force de l’Esprit, vous serez tués mais vous deviendrez saints», nous pouvons imaginer que Pierre et André lui auraient répondu: «Merci, mais nous préférons nos filets et nos barques». Jésus les appelle au contraire à partir de leur vie: «Vous êtes pêcheurs, vous deviendrez pêcheurs d’hommes». Transpercés par cette phrase, ils découvriront pas à pas que vivre en pêchant des poissons était peu de chose, mais que prendre le large sur la Parole de Jésus est le secret de la joie. Le Seigneur fait ainsi avec nous: il nous cherche là où nous sommes, il nous aime comme nous sommes et avec patience il accompagne nos pas. Comme ces pêcheurs, il nous attend, nous aussi, sur les rives de la vie. Avec sa Parole il veut nous faire changer de cap, afin que nous arrêtions de vivoter et que nous prenions le large à sa suite.
C’est pourquoi, chers frères et sœurs, nous ne devons pas renoncer à la Parole de Dieu. C’est la lettre d’amour écrite pour nous par Celui qui nous connaît comme personne d’autre: en la lisant, nous entendons à nouveau sa voix, nous contemplons son visage, nous recevons son Esprit. La Parole nous fait proches de Dieu: ne la tenons pas loin. Portons-la toujours avec nous, en poche, dans le téléphone; donnons-lui une place digne dans nos maisons. Mettons l’Evangile dans un endroit où nous nous rappelons de l’ouvrir quotidiennement, peut-être au début et à la fin de la journée, pour que, parmi tant de paroles qui arrivent à nos oreilles, quelque verset de la Parole de Dieu arrive à notre cœur. Pour faire cela, demandons au Seigneur la force d’éteindre la télévision et d’ouvrir la Bible; de fermer le téléphone portable et d’ouvrir l’Evangile. En cette année liturgique nous lisons celui de Marc, le plus simple et le plus bref. Pourquoi ne pas le lire aussi tout seuls, un petit passage chaque jour? Cela nous fera sentir le Seigneur proche et nous donnera le courage sur le chemin de la vie.