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Le ciel étoilé du fond de l’enfer

 Le ciel étoilé  du fond  de l’enfer  FRA-017
25 avril 2024

La guerre engendre la peur. Et la peur engendre la guerre. Le cercle est vicieux. L'homme, esclave de ses peurs, devient agressif et violent. La peur de l'homme, au fond, c'est la peur de la mort. Et par cette peur, il finit, paradoxalement, par donner la mort. La violence de l'homme apeuré propage à son tour la peur autour de lui, et ainsi tout se poursuit dans une spirale qui sème la mort et la terreur dans le monde. L'Europe, après de nombreuses années de paix, est aujourd'hui en proie à des guerres internes ou proches de ses frontières. Le sentiment est celui d'un manque d'air, de lumière, d'espoir. Un sentiment angoissant de suspension, sans aucune possibilité de voir loin, la vue se limite à aujourd'hui, à demain, et le scénario est toujours plus sombre, comme si nous avions les yeux bandés et que nous marchions au bord du gouffre.

Dans cette obscurité dans laquelle l'homme lui-même s'est enfoncé, une lueur semble parfois pénétrer, une lumière qui se fraie un chemin et donne de l'espoir et de la chaleur. C'est la lumière de la foi. Il y a quelques jours, le Pape François a montré le livret de prière et le chapelet d'un jeune soldat ukrainien, Oleksandr, mort au combat. La prière est celle de l'homme precarius, qui ressent le caractère éphémère de son existence et s'en remet à quelque chose de plus grand. C'est précisément l'horreur de la guerre qui pousse les soldats à faire preuve d'une solidarité tenace envers la vie, envers les autres êtres humains, leurs amis, leurs camarades, mais aussi leurs ennemis, envers les vivants, mais aussi envers les morts qui ont déjà traversé cette horreur et qui ont déjà été frappés par cette violence aveugle et inhumaine.

Sur le front de la Première guerre mondiale, le poète toscan Giuseppe Ungaretti a «explosé» avec les vers mémorables de Veillée: Une nuit entière / jeté auprès / d’un camarade / massacré / sa bouche / grinçante / tournée à la pleine lune / ses mains /gonflées /ont pénétré / mon silence / j'ai / écrit / des lettres pleines d'amour/ Je n’ai jamais été/ autant/ attaché à la vie.

Tout comme un autre Alek-sander, Zatsepa de son nom de famille, tué sur le front russe pendant la Seconde guerre mondiale, a laissé une lettre, retrouvée plus tard dans la poche de son manteau, adressée directement à Dieu et qui
se passe de commentaires: «Ecoute, Dieu… Je ne T’ai encore jamais parlé de ma vie, mais aujourd’hui, j’ai envie de Te saluer, Tu sais que depuis mon enfance on me répète que Tu n’existes pas, et moi, comme un imbécile, je l’ai cru. Je n’avais jamais contemplé ce que Tu as créé. Mais cette nuit, voilà que j’ai regardé, depuis le cratère qu’avait fait une grenade, le ciel étoilé au-dessus de moi. J’ai compris tout à coup, en admirant l’univers, combien la tromperie avait pu être cruelle. Dieu, je ne sais pas si Tu me tendras la main, mais je vais Te dire, et Tu comprendras: n’est-il pas étrange qu’au sein de cet enfer abominable, la lumière se soit révélée à moi et que je T’ai reconnu? A part ça, je n’ai rien à dire, seulement que je suis heureux de T’avoir reconnu. Notre attaque doit avoir lieu à minuit, mais je n’ai pas peur: Tu nous vois… C’est le signal. Que faire? Je dois y aller. J’étais bien, avec Toi, et je veux encore Te dire que, comme Tu le sais, la bataille ne va pas être facile. Et peut-être que cette nuit, je m’en vais frapper chez Toi. Et voilà, bien que jusqu’à présent je n’ai pas été Ton ami, est-ce que Tu me permettras d’entrer, quand j’arriverai? Mais voilà que je pleure, on dirait. Mon Dieu, Tu vois ce qui m’arrive, maintenant j’ai mûri. Adieu, mon Dieu, j’y vais! Et j’ai peu de chances d’en revenir. Comme c’est bizarre, maintenant, je n’ai plus peur de la mort!». (andrea monda)

Andrea Monda